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radieuse, brillante, entraînant après elle même ceux qui doutent encore de son utilité.

Rien, en effet, n’est plus controversable que les avantages sérieux et réels de l’exposition. Elle procure, il est vrai, une satisfaction vive aux ministres et aux hommes puissans qui sont chargés de la diriger et d’en faire les honneurs. Leur importance s’en accroît momentanément, et combien sont nombreuses les occasions de se créer des amis ! Pour le prince, sa famille et sa suite, quelle jouissance n’est-ce pas de devenir pendant quelque temps comme associés, sans embarras, à tous les mystères et à tous les procédés des arts que l’on s’empresse de leur expliquer, et qui sont pour eux le sujet de tant de paroles aimables et gracieuses, paroles dont l’effet n’est jamais perdu et dont le souvenir sera précieusement gardé dans le canton de la France où il sera transporté ! Viennent ensuite les citadins empressés autour de ce qui est spectacle et montre, se groupant devant les mêmes objets qui n’attirent pas leurs regards dans les magasins de nos boulevards et de nos rues, et enfin les explorateurs, dont les uns décrivent et les autres examinent les merveilles exposées.

Nous avons déjà eu occasion de le dire, comme foire européenne, comme bazar immense, l’exposition peut servir quelques industries, appeler sur elles l’attention qui les négligeait, leur conquérir plus aisément des consommateurs : elle devient utile surtout aux manufacturiers nouveaux en produisant leurs noms, et la même cause y retient les manufacturiers anciens, qui ne peuvent déserter le camp où leurs rivaux paraissent ; mais aussi pour tous que de temps perdu, que d’affaires négligées, que de frais en pure perte ! La justice du jury et la bienveillance de l’autorité accordent, il est vrai, des médailles et des mentions honorables qui recommandent la production auprès du public ; mais comme presque tous arrivent à une distinction, et que le monde insoucieux ne s’enquiert pas des classes diverses, il s’ensuit que personne n’est précisément distingué. Que s’il s’agit de récompenses d’un ordre plus élevé, il est rare que celui qui les obtient ne soit pas déjà par sa situation une personne assez considérable pour avoir fixé les regards du pouvoir. Le sort d’une manufacture utile ne nous paraît donc dépendre en aucune façon du maintien des expositions, et si la fabrique est dirigée avec habileté, il est des cas nombreux où le grand jour lui sera fatal.

Nous ne sommes pas seuls à partager l’opinion que nous exprimons ici : ou l’article envoyé n’indiquera, quoique de bonne qualité, aucun progrès marquant, et alors il n’ajoute rien à la réputation dont jouit