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votre chapeau. A son visage maigre, vous avez dû le reconnaître, et aussi à son regard perçant qui fait si bien le rusé. »


Cette prétentieuse légèreté n’est guère à sa place, et cette phrase moqueuse sonne comme une note fausse au milieu du grave développement des idées.

L’auteur de l’Évangile des Laïques a montré dans sa vie la calme fermeté, la confiance hardie qui éclate dans, ses ouvrages. Il ne connut pas, comme Novalis, les troubles, les incertitudes de l’esprit. En possession de la doctrine hégélienne, il crut que c’était la vérité dernière et résolut gravement de régler sa vie d’après ces principes. Fiancé en 1840 à sa cousine, Mlle Caroline de Burgsdorf, il lui écrivait souvent des lettres qui ont été conservées et qui attestent une singulière tranquillité d’ame. Il lui expose ses théories, sa religion, et avec une ferveur si pure, que ce panthéisme hégélien n’effraie pas l’ame naïve à qui il est confié. Il ne semble pas que la fiancée de M. de Sallet éprouve aucun doute, aucune inquiétude ; un secret instinct l’attire. Dans ces confidences philosophiques, dans cette éducation réciproque de ces deux ames, ce n’est pas Faust répondant à demi aux questions inquiètes de Marguerite ; c’est plutôt la douce sévérité d’Eudore quand il instruit et reprend Cymodocée. .Je ne prétends ni blâmer ni louer, tout cela est fort loin de nous ; je signale seulement un fait curieux qui atteste le calme résolu de certains esprits dans le camp des hégéliens. N’oublions pas d’ailleurs que ceci se passe dans l’Allemagne du nord, dans la patrie de Kant, dans le pays où enseignait Hegel ; ce n’est pas certes de cette façon que tous les fiancés correspondent au- delà du Rhin. Peu de temps avant son mariage, il écrivait à un ami : « Tant que nous n’aurons pas gagne les femmes, nous devons renoncer à voir régner nos idées, puisque c’est entre leurs mains qu’a été remise l’éducation du genre humain. » Il voulut donc se créer un intérieur conforme à ses vœux les plus ardens, et ses amis nous apprennent qu’il y réussit. Tous ceux qui l’ont approché sont d’accord sur la parfaite sérénité, sur l’austérité irréprochable de sa vie ; jeune et grave, il commandait le respect. Qui sait ce que ce noble et sincère esprit eût pu produire un jour, lorsque l’âge, en éclairant ses opinions, l’eût écarté peu à peu des routes impraticables ? Il est mort après une maladie de quelques jours, le 21 février 1843. Il avait demandé à être enseveli sans bruit, sans aucune cérémonie. Son jeune frère, quelques heures après l’enterrement, écrivait à un ami du poète qui n’avait pu conduire sa dépouille au cimetière : « Je l’ai vu quand la mort