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exécuté par le diable. Pour ma part, dans cette définition, j’acceptai Dieu, mais je retranchai le diable. M. Quinet reproche à un prélat espagnol d’avoir dit que la révolution française est une invention de l’enfer, et il accuse « Goerres de faire écho sur ce point à l’évêque des Canaries. Il ne s’aperçoit pas qu’il dit presque la même chose en appelant la révolution française un châtiment sacré, en écrivant que la Providence a déchaîné contre l’église la révolution française. Il ne reste plus qu’à savoir comment la Providence envoie les châtimens et déchaîne les monstres ; c’est un détail d’exécution. C’est assez sur ce point, mais nous voulions constater qu’il y a chez M. Quinet une sorte d’illuminisme poétique dont il n’a pas conscience ; c’est souvent un mystique sans le savoir.

Nous, arrivons à l’examen des opinions dogmatiques que nous a promises l’auteur de l’Ultramontanisme. Les imaginations de poètes sont sujettes à se tromper elles-mêmes ; elles grossissent les objets, elles peuplent le vide de créations fantastiques. Il peut arriver à un poète, quand il est dans le domaine des idées philosophiques, de prendre de vagues aspirations vers la pensée pour des vérités substantielles. C’est un peu l’histoire de M. Quinet. Il est de très bonne foi quand il dit à son auditoire : « Je ne suis qu’un degré de cette échelle de lumière que vous devez parcourir jusqu’à Dieu. Demain ou après, l’échelon peut disparaître. Qu’importe ? j’ai montré le chemin ; allez plus loin que moi ! élevez-vous plus haut que moi ! Il est évident que M. Quinet se croit très loin et très haut quand il fait une pareille invitation à ses auditeurs. Cherchons un peu dans quelle région, dans quelle latitude il les a conduits.

Il est une justice que nous rendrons d’abord à M. Quinet avec un plaisir véritable et qui s’adresse à la générosité des instincts, à la noblesse des sentimens, dont l’expression se trouve consignée dans ses pages. Il demande la liberté pour tous les peuples, le respect des nationalités, et il prêche la fraternité universelle. Toutes ces généralités, neuves il y a cinquante ans, ont trouvé dans M. Quinet un chaleureux interprète. On sent qu’il est plein des souvenirs de l’histoire de notre révolution. Il demande que, dans le démembrement de la puissance spirituelle, il se forme une autorité dont l’effet se fasse sentir à tous les peuples. Il rappelle que les premières assemblées de la révolution française ont eu cette pensée, et pour lui la déclaration des droits de l’homme est une profession de foi canonique. Ici constatons une interversion singulière dans la manière dont M. Quinet pose les questions. Ce que tout le monde appelle pouvoir politique, il l’appelle pouvoir