Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la philosophie et de l’histoire, sans permettre à des émotions passagères de rendre leurs jugemens moins intègres, et d’altérer la paisible sérénité de leurs regards ? C’est parce que nous sommes persuadé que cette position serait à la fois la plus digne et la plus forte, que nous ne saurions approuver la nouvelle polémique où vient de s’engager M. Quinet. Il y a des choses qui, une fois faites, ne se recommencent pas. La passé d’armes contre les jésuites avait réussi, c’était un petit tournoi qui n’avait pas manqué d’éclat ; cette année, il eût été de bon goût et de bonne conduite de ne pas courir après le même genre de succès. Nous savons bien que M. Quinet a la prétention, cette fois, d’être plus dogmatique que polémique, et c’est ici qu’il s’abuse. Nous constaterons, chemin faisant, combien la part des idées positives est faible chez l’ardent écrivain, qui n’aperçoit plus les choses que sous l’aspect d’un duel contre l’église. Les divisions de son livre en font foi. L’auteur met tour à tour l’église en contraste, en opposition avec l’état, avec la science, avec l’histoire, avec le droit, avec la philosophie, avec les peuples, et toujours il conclut que l’église a manqué à ses devoirs. Avec un tel plan, avec des dispositions aussi agressives, on peut tracer des pages rapides et colorées ; il suffit de quelques faits mis en lumière aux dépens de tous les autres pour écrire un factum, mais l’impartiale histoire et la véridique philosophie mettent à un plus haut prix leurs résultats.

Pour tracer des généralités historiques, il faut à la fois un coup d’œil très sûr et une érudition forte. Une généralité n’est légitime qu’à la condition de ne contredire aucun fait important. Autrement, On arriverait à cet effet étrange d’élever une apparence de vérité générale avec des erreurs de détails. Au premier regard que M. Quinet jette sur le moyen-âge, il est frappé de l’esprit de parallélisme qui existe entre le développement de la société religieuse et celui de la société politique. Il est certain, en effet, que la papauté et la monarchie s’élevèrent dans le même temps à une grande autorité. Ce synchronisme a été remarqué plusieurs fois, notamment par M. Guizot ; mais, dans l’imagination de M. Quinet, il prend des proportions tout-à-fait nouvelles. « Grégoire VII et ses successeurs, dit-il appuyés sur la plèbe des ordres mendians, répriment, humilient les évêques ; ils fondent la monarchie spirituelle. N’est-ce pas dans toute l’Europe chrétienne le signal pour la monarchie temporelle de suivre la même voie ? Louis-le-Gros, Philippe-Auguste, autant d’ombres qui marchent dans l’imitation des papes des siècles précédens. » D’abord, ni Grégoire VII ni ses successeurs n’ont systématiquement réprimé, humilié les évêques,