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le monde par une forme nouvelle. Nous doutons fort que l’homme d’état qui s’occupe en ce moment de réorganiser les finances espagnoles, M. Mon, attribue à la pauvreté de l’Espagne le don d’opérer de tels miracles. Il croit qu’un peu de richesse et un peu d’ordre dans la fortune publique ne nuirait pas à la liberté. Quant à M. Quinet, il ne s’arrête pas à ces petits détails, et il ne veut qu’une chose, il veut qu’on fasse rentrer le sentiment du grand, du divin, dans la science politique. « Oui, s’écrie-t-il, il faut que l’Espagne, sans plus regarder en arrière, répète dans la science politique le vieux mot des croisades : Dieu le veut ! Dieu le veut ! » M. Quinet conseille donc à l’Espagne de devenir encore plus catholique ? Nous l’avions pensé d’abord, mais nous avons lu aussitôt après qu’une seule parole prononcée dans ce sens, au nom de la science, de la philosophie française, aurait plus d’efficacité sur l’esprit de l’Espagne que toutes les conspirations et toute la diplomatie du monde. Que conclure maintenant ? L’Espagne ne peut donc pas se sauver elle-même ; elle a besoin de la France, elle a besoin d’une parole prononcée au nom de la philosophie française. Alors M. Quinet veut une intervention illimitée et une propagande révolutionnaire ? Soyons juste. M. Quinet ne s’est pas rendu un compte exact de la portée de ces propositions successives. C’est un artiste qui fait un usage harmonieux des mots sans les peser, qu’une première vue des choses saisies sous leur aspect dramatique séduit et contente. Il ne serait pas équitable, de lui demander la patience d’un observateur, son tempérament ne la lui permet pas.

Néanmoins nous espérions toujours qu’une fois passé le premier éblouissement que peut donner à une imagination vive le spectacle de choses nouvelles, nous arriverions, dans le livre de M. Quinet, à quelques larges peintures de la civilisation espagnole. Pour parler du midi de l’Europe, j’arrive de Grenade et de Cordoue, avait-il dit dès le début. C’était donc bien dans la Péninsule qu’il était allé surtout chercher ses inspirations. Cependant, dès le troisième chapitre, ou, si l’on veut, la troisième leçon, nous ne sommes plus en Espagne, mais en Italie. La scène change, et l’auteur entre brusquement dans un autre sujet : il faut l’y suivre, non sans jeter un regard de regret sur cette Espagne que nous désirions tant connaître.

Le dessein qui anime aujourd’hui M. Quinet, et qui l’éloigne de l’histoire des littératures, n’est pas médiocre ; il ne se propose rien moins que de sauver le christianisme, compromis par le catholicisme. L’an dernier, dans les cinq leçons qu’il a faites sur les jésuites, il s’était contenté de réfuter le passé ; aujourd’hui, pour nous servir de ses