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modifier sur cette question son opinion et sa conduite. « Qu’est- ce donc, se demandent les tories mécontens, et je traduis ici les paroles de M. d’lsraeli, qu’est-ce que ces principes conservateurs dont nous parlait ? Que voulez-vous conserver ? Le conservatism respecte religieusement les formes et les mots pour se donner l’apparence d’une foi ; mais en pratique il cède à la passion, à la combinaison du moment. Il pose en théorie que tout ce qui est établi doit être conservé ; mais il agit comme si rien de ce qui est établi ne pouvait être défendu. Pour concilier cette théorie avec cette conduite, on met en avant ce que l’on appelle un compromis : arrangement sans principe et qui n’a d’autre fin que d’apaiser l’agitation un instant, jusqu’à ce que les conservateurs, sans guide et sans but, divisés, tentés, déroutés, soient préparés à un arrangement aussi peu politique que le précédent. »

Cependant, tandis que sir Robert Peel montre cette facilité à céder aux intérêts hostiles à ceux de son parti, par un remarquable contraste il pousse la fermeté jusqu’à l’inflexibilité dans les conditions qu’il impose à ses amis. Toute sa carrière montre en lui la résolution d’arriver à l’exercice souverain du pouvoir. Admis fort jeune dans l’administration, il abandonna bientôt le poste considérable de secrétaire du gouvernement d’Irlande, afin de prendre dans la chambre des communes l’initiative des grandes mesures économiques qui établirent son crédit parlementaire. Il fut appelé avec le duc de Wellington dans le ministère de lord Liverpool ; mais après la mort de cet homme d’état, lorsque M. Canning, le ministre dirigeant (leader) de la chambre, devint premier ministre, M. Peel se retira avec le duc de Wellington, et déclara qu’à l’avenir il n’entrerait plus dans une combinaison qui lui donnerait un supérieur dans la chambre des communes. Canning meurt, le débile ministère de lord Goderich essaie vainement de le remplacer ; le duc de Wellington forme un cabinet, M. Peel y entre en prenant en effet le poste de leader des communes ; mais lorsque cette administration est renversée, en 1830, M. Peel donne à entendre à ses collègues qu’il ne reviendra plus au pouvoir qu’à la condition d’y remplir la première place. Le duc de Wellington se le tint pour dit : lorsque le bill de réforme fut voté, il prévint d’avance ses amis que, la chambre des communes étant devenue le pouvoir prépondérant, le premier ministre devrait désormais appartenir à ce corps. C’est en cette qualité que sir Robert Peel passa dans le court ministère de 1834. Tant que les tories sont demeurés dans l’opposition, sir Robert Peel a rempli, avec un ascendant qui ne souffrait pas de contestation,