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de Coningsby sur le terrain ou il se présente franchement lui-même en homme politique, sur le terrain où il attaque, visière levée, et en avertissant ceux qu’il ajuste.

M. d’Israeli a eu le mérite de poser nettement une grande question dans Coningsby : — Qu’est-ce que le torysme ? que représente-t-il aujourd’hui ? quels sont ses principes ? quelle est son organisation ? vers quel avenir marche-t-il ? — Je n’ai garde de dire que M. d’Israeli ait résolu le problème ; mais je persiste à le féliciter de l’avoir indiqué : il est des questions qu’il suffit de poser pour éclairer des situations. Telle est la nature de celle que soulève Coningsby.

Nous n’avons rien en France, et je crois qu’il nous est permis de nous en applaudir avec orgueil, nous n’avons rien qui puisse nous donner une idée de la composition et de la situation des partis en Angleterre. Enlevez, chez nous, les partis extrêmes, oubliez ces hommes qui sont restés en-deçà ou qui sont allés au-delà de l’ordre de choses fondé par la révolution de 1830, petits groupes qui ne se recrutent plus, débris qui, dans leur ruine, conservant bien malgré eux l’utilité de garde-fous, ne semblent continuer à subsister que pour indiquer à la France les déviations qu’elle doit éviter, la route large et sûre dont elle ne doit pas s’écarter : enlevez ces partis-limites, vous verrez que nos fractions parlementaires ne répondent pas à des intérêts divisés et ouvertement hostiles dans le pays. Il y a en France, c’est là notre force et notre gloire ; une admirable fusion, une puissante unité d’intérêts. Aussi n’y a-t-il, à vrai dire, dans nos assemblées que des dissentimens à peu près théoriques sur la direction à imprimer à notre activité nationale. D’accord sur l’instrument dont nous avons à nous servir, la discussion ne porte plus, suivant le mot d’un des plus spirituels de nos hommes d’état, que sur la manière dont nous devons nous en servir au profit commun de la nation tout entière. Unis sur les points fondamentaux de notre politique intérieure, nos divisions ne commencent que dans les incertitudes de notre politique extérieure, encore novice, et dont les dernières secousses, d’où nous sortons à peine, expliqueraient du moins les timides hésitations. On peut prévoir qu’une ère magnifique s’ouvrira à la France du moment où elle-même et le monde auront pleinement conscience de cette situation.

Les choses sont différentes en Angleterre. Il y a unité entre tous les partis sur les points principaux de la politique extérieure de la Grande-Bretagne. Quelles que soient les mains qui tiennent le pouvoir, cette politique ne semble pas varier ; mais c’est parce qu’elle est impérieusement indiquée par la lutte même des intérêts qui divisent