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encore le relief des autres figures. Ainsi le duc de Beaumanoir qui patronne dans le roman la jeune génération, et que l’on dit copié sur le duc de Rutland, est un grand seigneur doux et bienveillant ; mais il semble que M. d’Israeli en ait exprimé toute la portée intellectuelle dans cette scène de chasse où il lui fait abattre des faisans en l’honneur de sir Robert Peel. Quant aux jeunes gens, ils ont en commun les velléités généreuses du premier âge ; ils ont une égale horreur des sécheresses de la réalité ; ils s’abandonnent avec une égale confiance à ce mirage doré qui ne montre au matin de la vie que des idées grandioses et splendides, là où au milieu du jour on ne rencontre plus que l’âpre aridité des intérêts : pourtant, si je cherche à les distinguer, les différences ne sont indiquées entre eux que par des puérilités qui ne suffiront jamais à accentuer de vrais caractères. Lord Henry Sydney, la silhouette, assure-t-on, de lord John Manners, croit que l’Angleterre sera sauvée lorsqu’on reviendra aux danses champêtres de nos pères autour des mais, et lorsqu’on rétablira dans la constitution anglaise, avec ses vieux privilèges, l’ordre des paysans. Sir Eustace Lyle, une des plus douces figures cependant qui traversent Coningsby, et dans lequel on veut reconnaître un lord catholique universellement aimé, lord Surrey, sir Eustace est une sorte de petit manteau bleu : il fait distribuer trois fois par semaine, au son de la cloche, des secours aux pauvres du voisinage de son château. Quant au héros du roman, Coningsby, la copie, à mon avis, flatte peu l’original, s’il est vrai que nous devions y voir le portrait de M. Smythe : Coningsby est un beau et bon jeune homme, aimé et admiré de ses amis. L’auteur nous le vante comme un homme supérieur, et nous sommes obligés de le croire sur parole : la supériorité de Coningsby ne se révèle que par des succès de steeple chase. On peut lui en supposer une autre, celle de la mémoire : Coningsby n’a guère d’autre rôle dans les conversations sérieuses où le mêle M. d’Israeli que celui d’interrogateur, et c’est apparemment du butin de ses souvenirs qu’il doit composer les doctrines de son école. Après avoir ainsi examiné les divers personnages sur lesquels M. d’Israeli a inscrit ses répugnances ou ses sympathies on est bien sûr en effet qu’il a voulu faite sentir au parti de sir Robert Peel les cuisantes blessures de la satire : est-il lui-même bien assuré de n’avoir pas laissé sur la jeune Angleterre une légère nuance de ridicule ? M. d’Israeli donne au moins à ses lecteurs le droit de lui adresser cette question, ce qui n’est pas précisément un succès.

Mais j’ai assez cherché à pénétrer les intentions de M. d’Israeli à travers les artifices du romancier. Il est temps de rencontrer l’auteur