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fort beau, répond le marquis ; mais je ne vois pas d’autre moyen d’atteindre mon but que de soutenir Peel. Après tout, à quoi servent tous ces partis et toute cette politique ? à atteindre son but. Le mien est de changer notre couronne en une couronne ducale, et de vous faire substituer la baronie de votre grand’mère. Peel ne peut pas me refuser cela. J’ai déjà acheté une terre considérable pour l’affecter à votre baronie… Vous ferez une grande alliance… Croyez que je prendrai tous les arrangemens qui pourront être utiles à votre bonheur. » Et comme Coningsby ne peut s’empêcher de remercier son grand-père de la générosité de ses intentions : « Et pour qui aurais-je des bontés, reprend lord Monmouth, sinon pour vous, vous mon sang, vous qui ne m’avez jamais contrarié, et dont j’ai le droit d’être fier ? Oui, Harry, je suis heureux de l’admiration que vous excitez et de vos succès. Tout ce que je désire, c’est de vous voir au parlement. On doit y entrer de bonne heure ; quel que soit leur talent, ceux qui y arrivent tard gardent toujours une sorte de raideur. Vous avez une occasion excellente. Vous partirez vendredi pour Dalford : traitez bien les notabilités de l’endroit, exaltez Peel, injuriez O’Connell, anathématisez les indécis ; parlez beaucoup de l’Irlande, c’est un bon sujet. » Voilà tout le torysme de lord Monmouth : M. d’Israeli permet au moins de supposer qu’aux yeux d’un grand nombre de nobles pairs, la cause conservatrice n’a pas un autre sens ni une autre portée, et n’oblige pas à de plus sérieux devoirs.

On prétend que le caractère de Rigby est une vengeance personnelle de M. d’Israeli. C’est, en effet, la physionomie qu’il semble avoir tracée avec le plus de complaisance. Rigby, s’il faut en croire la voix publique en Angleterre, n’est autre qu’un rédacteur du Quarterly Review, le très honorable John Wilson Croker, qui faisait une certaine figure à la chambre des communes avant la réforme. Tandis que le nom de M. Croker était ainsi en train d’acquérir avec celui de Rigby une fâcheuse synonymie, M. de Chateaubriand l’anoblissait de son souvenir, dans la Vie de Rancé, où il le mentionne en société de Canning ; on voit qu’il y a des compensations providentielles. Quel est le motif de la vengeance dont M. Croker est victime ? doit-on croire, comme on l’a donné à entendre, que M. Croker se serait placé entre sir Robert Peel et M. d’Israeli, et aurait été l’obstacle qui a empêché les faveurs de la trésorerie d’arriver jusqu’à l’auteur de Vivian Grey ? Il faudrait avoir ses entrées dans les coulisses pour vérifier ces médisances, qui doivent être tenues pour des calomnies tant qu’elles ne sont pas prouvées. M. d’lsraeli aurait d’ailleurs des griefs plus légitimes contre M. Croker, que la vengeance dont il s’est servi ne me paraîtrait