Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’armée tory, et le cabinet à la tête duquel est placé sir Robert Peel obligé de jouer deux fois son existence contre ceux mêmes qu’il n’a pas encore cessé de nommer ses amis, il est naturel de se demander si la jeune Angleterre ne serait pas envoie d’acquérir une réelle importance, et, dans le cas où les scissions qui ont divisé le parti conservateur menaceraient de devenir définitives, si elle serait en mesure de donner la consistance et la discipline d’un parti aux tories que le dépit ou la défiance éloigne de sir Robert Peel.

Sans doute, sous ces mots de jeune Angleterre, on a moins rencontré jusqu’à présent une école décidément organisée, une coterie manœuvrant avec régularité, que certaines idées flottant dans l’atmosphère morale du parti tory, mais plus arrêtées dans quelques-uns des jeunes esprits de la chambre des communes. Pour peu que l’on eût suivi depuis deux ans, dans leur carrière parlementaire, ceux qui passaient pour les principaux membres du groupe, M. d’Israeli, lord John Manners, M. Milnes, M. Smythe, l’on avait dû remarquer l’indépendance de leur attitude à l’égard du ministère, leur penchant à relever les questions par un élan philosophique, leur application dans cette voie où un nombre considérable de tories, cherchant à dégager les grands intérêts, les grands principes, les grandes traditions historiques représentées par leur parti, s’efforcent de les accorder avec les besoins actuels et les tendances de l’Angleterre. C’est dans ce mouvement, et entre autres par la diversion qu’il a opérée sur les questions de philanthropie que le parti conservateur, retenu sur le terrain des questions commerciales, et condamné à la défensive par sir Robert Peel, a repris une initiative qui n’est pas sans générosité et s’est donné une vigoureuse position offensive contre les intérêts par lesquels il était accoutumé à se voir attaquer et refouler. Les membres de la jeune Angleterre paraissaient suivre dans cette direction des plans délibérés, un système résolu : s’ils avaient donc pour leurs idées l’ambition qu’on leur supposait, il semble, en présence des dissensions et du malaise du parti tory, que le moment fût venu de se montrer positivement sous leur vrai nom, d’indiquer où ils allaient, d’arborer enfin leurs couleurs et d’appeler à eux par une autre propagande que celle de l’intimité ou des salons ces élémens de jeunesse et de vie qu’ils veulent infuser au torysme renouvelé.

Ainsi apparemment l’a pensé M. d’lsraeli en lançant, il y a deux mois, le manifeste auquel il a donné le titre de Coningsby ou la nouvelle Génération. L’accueil qui a été fait à ce livre montre que M. d’Israeli ne s’est pas trompé du moins sur l’opportunité de sa tentative,