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transes, des froissemens et des vicissitudes, mais aussi le réveil. Son rôle de député et d’opposant, durant toute la restauration, fut des plus honorables et des plus utiles, sur la seconde ligne, celle de réserve. Par son Essai sur les Garanties individuelles (1818), il eut pourtant l’honneur d’exposer l’un des premiers, et avec cette netteté d’expression qui n’était qu’à lui (à lui et à Benjamin Constant, ce dernier sachant être plus limpide, plus agréable, et Daunou plus rigoureux), le programme motivé des légitimes et incontestables requêtes d’un libéralisme équitable. « Toute révolution politique, disait-il, a des intermittences, et, chaque fois qu’elle s’arrête, on s’empresse de proclamer qu’elle est terminée. Si c’est trop souvent une erreur, c’est toujours un vœu honorable, et l’on touche en effet de bien près à ce terme, quand une loi fondamentale a déclaré, promis, déterminé toutes les garanties individuelles ; car il suffirait que cette loi fût fidèlement établie, littéralement observée par ceux qui l’ont faite, pour que le renouvellement des troubles devînt tout-à-fait impossible. » - Santa-Rosa, dans une lettre à M. Cousin (juillet 1822), écrivait : « Je suis occupé à lire Daunou sur les garanties. Cet ouvrage a deux parties distinctes. Dans la première, l’auteur examine ce que c’est que la liberté ou les garanties ; il les caractérise, les décompose, les circonscrit ; tant cela me parait en général bien conçu et bien fait. Dans la seconde partie, on recherche comment les divers gouvernemens accordent ou délimitent ces garanties. Ici, Daunou n’est ni assez étendu ni assez profond. Dans mon ouvrage. (Santa-Rosa méditait un grand travail sur les gouvernemens), je referai cette seconde partie sous un point de vue plus pratique que théorique, et j’entrerai dans des détails faute desquels l’ouvrage de l’oratorien ressemble à un livre de géométrie plutôt que de politique[1]. » Cette critique ne peut porter que sur la forme ; quant au fond, le livre de M. Daunou n’a rien que de très pratique. Je ne veux pas dire que, transporté et traduit, comme il le fut alors, dans les états de l’Amérique du Sud, il continuât d’être applicable ; mais, en France, la société se faisait mûre pour les garanties qu’il réclamait, que la raison publique se mit par degrés à vouloir, à vouloir avec passion, qu’insultée un jour et défiée, elle revendiqua, trois matins durant, à la face du soleil, et qui sont à peu près obtenues.

Ici et à dater de cette lutte légale de 1818 commence, sans plus

  1. Voyez Santa-Rosa, par M. Cousin, dans la Revue des deux Mondes du 1er mars 1840, page 660 ; Fragmens littéraires, page 62.