ture de cet esprit judicieux et craintif, au moment où, battu des orages, il se retrouve dans la sphère paisible de l’étude et où il respire.
Sa Notice des travaux de la Classe des Sciences morales et politiques, lue la même année 1802 (séance du 15 germinal an x), contient une fine satire d’un mémoire de Mercier contre l’histoire et cela par le simple fait d’une analyse où le rapporteur choisit malicieusement ses points. Mercier put être content, et tout l’Institut avec le public, avait souri. Daunou préludait ainsi à ses petites notes du Journal des Savans, même à ses extraits de l’Histoire littéraire : en maintenant l’extrait littéral et fidèle, il sut en faire un genre de critique fine, ingénieuse, qui parle tout bas.
Il publiait en 1803 un Mémoire sur les Élections au scrutin, lu précédemment à l’Institut et dans lequel il s’attachait à déterminer mathématiquement le moyen de recueillir, de vérifier avec le plus d’exactitude l’expression de la volonté générale, au moment même où toute liberté de suffrages était ravie : un pur problème, en effet, de récréation mathématique. À partir de cette publication, on remarque une certaine lacune dans ses travaux. C’est le temps de son découragement profond et de cette maladie dont nous avons parlé.
En 1807, M. Daunou, qui était devenu garde des Archives depuis décembre 1804, publia, par ordre du gouvernement et avec tous les soins d’éditeur, l’Histoire de l’Anarchie de Pologne, que Rulhière avait laissée manuscrite et inachevée. En 1810, il publia, par ordre également, son Essai historique sur la Puissance temporelle des Papes. Son édition de Boileau est de 1809. On remarquera combien M. Daunou choisissait peu de lui-même ses sujets de composition : il s’en laissait charger volontiers, en ne les acceptant sans doute que lorsqu’il les trouvait convenables à ses vues ; mais l’initiative, même là, venait d’ailleurs. Ne pourrait-on pas y voir une des causes qui attristent un peu son style, si destiné, jusque dans la gravité, à l’ingénieux et au délicat ? Cette vie n’avait jamais eu sa fantaisie, jamais une fleur ; son style s’en ressent. « Lire même ce qui plaît moins, n’écrire que ce qu’on aime, excellente hygiène intellectuelle, » a-t-on dit ; cela est vrai : à ce régime l’esprit acquiert son sérieux, et le style garde sa légèreté naturelle. Je ne conseillerais jamais à un homme de style et de goût littéraire de faire trop de rapports et de ne jamais choisir ses sujets.
En Boileau, du moins, M. Daunou rencontrait une vieille connaissance, une matière de prédilection : aussi son discours préliminaire de 1809, et celui d’une plus grande étendue qu’il a consacré à La Harpe en 1826, sont-ils peut-être ce qu’on a écrit chez nous de plus