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à ceux qui viendront après eux. Dans ces écoles, le maître, qui se considère comme un anneau de la grande chaîne, n’a pas trop l’air d’un pédagogue ; les élèves ne sont ni mutins, ni turbulens ; la science ne paraît à charge ni à celui qui la distribue, ni à ceux qui la reçoivent. C’est qu’il existe encore dans cette partie du monde ce qui chez nous se perd chaque jour, le respect pour les choses et pour les personnes qui représentent la tradition.

A part la routine, qui préside aux leçons des colléges brahmaniques, on peut voir une idée féconde dans cet enseignement complet confié à une corporation, à une caste au sein de laquelle la connaissance de l’antiquité se conserve ; c’est à cette institution que le brahmanisme a dû sa longue durée. Les pandits de Poonah sont loin de croire leur règne passé, et ils ont adopté une innovation européenne, la presse lithographique, au moyen de laquelle ils publient eux-mêmes quelques textes, sans le secours d’ouvriers étrangers. Le gouvernement anglais subvient aux frais de leur collége, qui ne se soutiendrait pas par lui-même, car on n’y compte pas plus de dix à quinze élèves par classe. Cette subvention est le gâteau de miel jeté à des ennemis puissans par leur influence pour endormir en eux la passion d’intrigues qui les tourmente. Dans le même but la compagnie accorde un traitement de 50 roupies (125 fr.) par mois aux prêtres qui desservent à tour de rôle les trois pagodes de Pârvatî-Hill. Cette colline, située à deux milles de Poonah, était le Capitole des Mahrattes ; le dernier pechwa en descendit il y a vingt-cinq ans pour s’en aller en exil, à Benarès. Sur sa cime escarpée, elle porte encore trois temples consacrés, le premier à Pârvati, la déesse fille de Himala, souverain des montagnes neigeuses le second, à Kartikeya, fils de Pârvatî, dieu de la guerre ; le troisième, à Vichnou. On y monte par un immense escalier que les chevaux et les bœufs peuvent gravir. Après avoir traversé une espèce de corps-de-garde, dans le genre de celui qui occupe le péristyle du collége on se trouve sous des cloîtres aérés, découpés d’ouvertures dans le style mauresque ; les brahmanes de service versent l’huile sur les idoles et fourbissent les grands instrumens de cuivre qui retentiront avec un bruit surhumain aux processions du Dourga-Poudja ; ce sont des trompettes immenses de formes fantastiques, des tambours de toute espèce, des orbes sonores et vibrans comme le tamtam. Plusieurs enceintes de murailles entourent le sommet de la colline, les unes en ruines, les autres debout encore, plantées d’arbres, et cachant leur base dans de longues herbes que broutent indolemment les bœufs sacrés Au-dessus de l’endroit le plus abrupte s’élève, autour d’une cour dont la pagode