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ils sont si peu bruyans eux-mêmes, qu’on dirait que le gynécée s’est transformé en couvent. Un poste d’honneur, formé de soldats indigènes dans toute la pureté du costume et de l’armure antique, occupe la galerie d’entrée. On n’entend aucun bruit sous les cloîtres des cours. Quand un pandit passe, les cipayes le saluent respectueusement, et se couchent de nouveau sur les bancs de bois ; la présence des guerriers n’est qu’un hommage rendu par la caste militaire et par la société hindoue dans son ensemble à la toute-puissance brahmanique.

Dans les premières sallies se tient l’école primaire ; de petits enfans de toute condition apprennent à lire les cactères mahrattes, à reconnaître les groupes sanscrits dans l’écriture cursive, et locale, aussi difficile à déchiffrer que celle des Bengalis. Ceux qui commencent à écrire s’exercent en traçant avec le doigt le contour des lettres peintes en blanc sur une planche noire. Ces premiers principes d’éducation sont entièrement distincts des grandes études que l’on aborde plus tard, et qui renferment la somme de toutes les connaissances humaines ; ils sont comme le vestibule du grand édifice de la science. En avançant un peu, on trouve les six classes, ou les six chaires, pour parler notre langue. Dans un cours qui dure cinq années pour chaque branche de l’enseignement, les maîtres expliquent la grammaire, la logique ; la poésie, l’astronomie, la médecine, la philosophie du droit civil et religieux. Celui qui passe trente années à parcourir ces six degrés sort du collége pandit, docteur dans toutes les facultés ; bien entendu que c’est la langue sacrée, le sanscrit, le latin de l’Inde, qu’il s’agit d’apprendre et de professer, par conséquent l’invariable tradition des premiers âges. La grammaire est réduite presque à l’état de science abstraite par les formules à moitié algébriques qui en fixent les règles ; la logique (nyaya, manière de procéder avec certitude) a été développée abondamment dans les textes des écrivains hindous, qui ont poussé jusque dans ses derniers retranchemens l’art de raisonner et quelquefois même de déraisonner. Il y a là matière à une longue étude, et le disciple érudit, peut tout prouver en sortant de l’école. Quant à la poésie, elle a ses incontestables beautés de rhythme et d’images ; le maître scande le vers, le fait répéter à l’élève, et le lui explique par le commentaire écrit ou par une glose verbale en langue vulgaire. Ce cours m’intéressait plus que les autres, car les œuvres d’imagination sont du domaine de tous les peuples. Les étudians, assis à terre, le manuscrit sur les genoux (chacun est obligé de copier son texte), me suivaient de l’œil furtivement, ne sachant comment interpréter