Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’auteur : M. Daunou écrivain va droit à Fléchier par goût, comme il est allé à Boileau ; ils représentent à la fois pour lui le double modèle littéraire de ce judicieux et de cet ingénieux qu’il aime dans la pensée et dans l’expression.

« Un style grave, sérieux, scrupuleux, va fort loin, » dit La Bruyère ; cela peut parfaitement s’appliquer au style de M. Daunou, si l’on n’oublie pas que, chez lui, le châtié et l’orné font constamment partie du scrupule, et que le Nicole (pour prendre des noms) s’y relève du Fléchier.

Dès le 4 septembre 89, on voit M. Daunou prononcer un discours sur le patriotisme dans l’église de l’Oratoire à Paris, durant le service funèbre que ce district faisait célébrer pour les morts du 14 juillet ; quelques mots de ce discours se retrouvent exactement les mêmes que la dernière phrase d’une petite brochure anonyme intitulée le Contrat social des Français, et publiée le 23 juillet précédent ; ce qui, indépendamment des autres preuves, achèverait d’indiquer que ce Contrat est bien de lui : « Quel touchant spectacle que celui qu’offrait un peuple aimable lorsqu’il faisait avec tant d’harmonie les premiers pas vers la liberté ! » Style du temps, on le voit ; les plus sages ne l’évitaient pas. Nous nous garderons de trop insister sur cette époque essentiellement transitoire de la vie de M. Daunou, dans laquelle ses paroles, si rapides et si empressées qu’il les fasse, sont encore devancées par les évènemens. Diverses brochures et articles de journaux, de sa façon, nous le présentent essayant de concilier le caractère sacré que lui et ses amis de l’Oratoire n’ont pas dépouillé, avec les circonstances sociales nouvelles ; il s’applique à démontrer que la constitution civile du clergé, telle que la veut l’Assemblée constituante, est sincèrement d’accord avec les principes de la foi catholique et avec les conditions cette église, y compris la primauté du pape et la supériorité de la juridiction épiscopale. Est-ce un simple vœu qu’il exprime ? est-ce un conseil de prudence et d’accommodement qu’il propose à ses amis de l’Oratoire et du clergé ? ou bien, enfin, est-ce une conviction vraiment sérieuse qu’il espère de faire prévaloir ? En ce dernier cas, on aurait lieu de trouver qu’il n’appréciait pas suffisamment les deux forces aux prises ni dans leur ensemble ni dans leur caractère ; qu’en s’attachant à la stricte définition des termes, il ne tenait pas assez compte de l’esprit des choses ; qu’il méconnaissait le vieil établissement catholique d’une part, et de l’autre semblait ne pas voir la marée philosophique montante, qui, ayant suscité un moment cette première réforme, devait aussitôt la déborder. Je suis toujours tenté d’en vouloir, je l’avoue,