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discours ne fût prononcé sur sa tombe, mais il n’a pu réprimer également les voix du lendemain. Peu après sa mort, M. Natalis de Wailly a parlé de lui dans le Journal des Savans, et a retracé avec une précision affectueuse comme une première esquisse de cette grave figure. M. Taillandier, exécuteur testamentaire de M. Daunou, n’a pas tardé à publier, sous le titre de Documens biographiques, un excellent volume ou le texte tout entier de cette vie si pleine est, en quelque sorte, établi, où toutes les pièces à l’appui sont compulsées, mises en œuvre, et les moindres curiosités littéraires soigneusement indiquées : on n’a plus guère, pour le fonds, qu’à puiser là. L’examen des écrits a été repris ensuite et développé dans une Notice de M. Guérard avec le soin et la rectitude qui distinguent ce consciencieux érudit. Au sein des compagnies académiques, M. le baron Walckenaër, successeur de M. Daunou comme secrétaire-perpétuel des Belles-Lettres, a discouru de lui avec diversité et effusion ; M. Mignet, l’éloquent organe des Sciences morales et politiques, lui a consacré un de ses cadres majestueux. M. Victor Le Clerc enfin, en tête du XXe volume de l’Histoire littéraire, a plus particulièrement apprécié le continuateur des bénédictins. Que reste-t-il à dire après tant d’habiles gens ? A les résumer peut-être, à creuser, ce qu’ils n’ont pu faire, de certains replis, mais aussi, je crois, à aborder M. Daunou par un côté qu’il n’entrait pas dans leur office principal de rechercher et de célébrer, je veux dire le point de vue de l’écrivain proprement dit. M. Daunou aurait pu être membre de l’Académie française, il en aurait été infailliblement si sa modestie ne l’avait tenu à l’écart ; c’est là un aspect de son talent qu’il nous reste à démêler, l’homme de style en lui, le critique littéraire, le connaisseur en fait de langage. Nous n’interdirons pourtant pas à nos souvenirs la liberté d’excursion sur les autres points.

Que si, chemin faisant, nous sommes conduit, en louant ce qu’il était, à marquer du même trait ce qu’il n’était pas, ce qu’il ne voulut pas être, ce que d’autres eussent pu considérer comme un développement légitime, ou du moins glorieux, et comme une conquête, aurons-nous besoin d’excuse ? Lui-même, dans ses jugemens littéraires les plus bienveillans, il n’apporta jamais de complaisance, et il sut relever le prix du moindre de ses éloges en les retenant toujours dans la limite de ce qu’il croyait la vérité.

Pierre-Claude-François Daunou naquit à Boulogne-sur-Mer, au mois d’août 1761. Son père, chirurgien estimé, sorti de l’Agenois, était venu prendre femme dans le Boulonais et s’y établir. M. Daunou me paraît avoir combiné quelque chose des deux patries. Sans doute on