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des officiers ministériels ; la chambre a étendu la réduction aux cautionnemens des comptables. Le trésor gagne en tout 2,500,000 francs ; mais les receveurs-généraux, les receveurs particuliers, les payeurs, sont l’objet d’une mesure dont le ministre a vainement démontré la rigueur. On connaît le dévouement de M. Laplagne aux intérêts de l’administration qu’il dirige avec une capacité éprouvée. On ne lui reprochera pas de les avoir laissés sans défense. S’il a succombé, c’est qu’il a rencontré tout à coup dans la lutte des adversaires sur lesquels il n’avait pas compté. Ces adversaires imprévus sont ses collègues eux-mêmes, qui, voyant incliner la majorité vers la réduction, et craignant un échec, ont abandonné prudemment M. Laplagne à ses seules ressources, et se sont mis contre lui dans la majorité. Nous sommes surpris que ce fait caractéristique n’ait pas été relevé. Au budget des cultes, une petite affaire a contrarié vivement M. le garde-des-sceaux. Il s’agissait de l’archevêché de Paris. D’après la loi organique du 8 germinal an II, chaque archevêque peut nominer trois vicaires-généraux, M. l’archevêque de Paris en a trois : il en veut un quatrième, et M. le garde-des-sceaux demande un crédit pour assurer le traitement ; mais la loi du 8 germinal, la charte du clergé, peut-elle être abrogée ainsi dans une de ses dispositions par un chiffre porté au budget ? M. le garde-des-sceaux a fini par convenir qu’il eût été plus régulier de présenter pour cet objet un projet de loi spécial, et il a retiré sa demande.

La discussion du crédit de huit millions pour la marine n’a pas répondu à l’importance des intérêts engagés dans la question. Au lieu de devenir un débat politique, elle est restée, comme le désirait sans doute M. de Mackau, une discussion de budget. L’éloquence et le savoir auraient pu tirer de ce sujet un immense parti. Nous avons vu des temps où la question la plus fastidieuse en apparence, une loi de douane, par exemple, devenait, par le talent des orateurs, un évènement de tribune. La parole animée, féconde, de quelques hommes, communiquait à ces matières arides un attrait puissant. Si alors une question comme celle de la marine, pleine d’un intérêt national, fût tombée entre leurs mains, avec quel empressement ils l’auraient saisie ! Aujourd’hui la chambre est pressée de partir. Il faut excepter cependant M. Billault, qui s’est rendu l’éloquent interprète des idées qu’un brave marin, l’amiral Lalande, nous a léguées un mourant. M. Billault a su se faire entendre dans un religieux silence. L’amiral pensait que la France doit rester une puissance maritime. Tout lui en fait une loi, son commerce, son esprit aventureux, son influence politique, son territoire même à défendre,. Quant à l’équilibre à établir entre la marine à et la marine à voiles, l’amiral voulait qu’on fît des expériences nouvelles avant de prendre une résolution sur ce point : non pas qu’il eût une idée peu favorable du rôle destiné à la marine à vapeur dans le système de nos forces navales ; mais la question ne lui semblait pas suffisamment étudiée. Il voulait qu’on appréciât mûrement les faits. Tel est aussi le vœu de M. le prince de Joinville, que l’on accuse