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plus loin que l’île de Bombay et à un demi-mille du village de Karli, se trouve un temple taillé dans le roc, assez remarquable et surtout assez différent de ceux que nous avons décrits ailleurs, pour qu’il en soit fait une mention particulière. Il a 126 pieds de long sur 46 de large ; sa voûte, un peu ogivale, est revêtue d’une charpente en bois parfaitement conservée, et d’une date plus récente que le reste du travail. La façade, précédée d’un péristyle de colonnes gigantesques surmontées de lions à courte crinière comme le lion héraldique, est ornée de sculptures assez délicates dont le motif principal est une couple d’éléphans qui enlacent leurs trompes. A. l’intérieur, une colonnade assez basse, ornée d’éléphans agenouillés, se déroule jusqu’au fond du chœur ; là s’élève un édifice de forme ronde, que couronne une espèce de parasol, sans aucune figure de divinité. Ce temple appartenait-il à la secte des Djaïnas, jadis florissante dans toute la presqu’île, et qui existe encore dans le Gouzarate ? Il y a lieu de le penser. A quel dieu inconnu était-il voué ? Les inscriptions fort anciennes, lues diversement à plusieurs reprises, ne semblent rapporter que les noms, les dignités de quelques donataires, et ne disent rien de ce que la science désirerait savoir. Des cellules creusées dans les rochers, à gauche de l’entrée, paraissent avoir servi de retraite à des religieux ; elles sont comme la pagode elle-même, orientées à l’ouest. Dans les chapiteaux des colonnes se sont logés des chauve-souris et des rats palmistes, dans les niches, autour d’une statue brahmanique éclairée par une lampe, s’abritent des mendians hideux, estropiés des pieds et des mains, vivant d’aumônes, fort peu préoccupés de connaître le dieu qui présidait à cette grotte. Ils n’y ont vu qu’un asile consacré à une divinité quelconque, et sont venus y cacher leurs plaies. La misère et la souffrance ont besoin de se mettre sous la protection des puissances du ciel, puisque celles de la terre les repoussent.

Le sentiment religieux est un des traits caractéristiques de l’esprit des montagnards, aussi bien que l’amour de la patrie ; les Mahrattes attachés aux croyances brahmaniques les ont défendues contre les envahissemens de l’islamisme, tout en combattant pour l’indépendance de leur territoire contre les sectateurs du prophète. C’est par les instigations de leurs brahmanes qu’ils fondèrent un empire éphémère, mais immense, ce serait avec le secours des intrigues ourdies par les descendans de ces mêmes prêtres qu’ils recouvreraient leur liberté, si la chose était jamais possible. Les individus de cette caste, qui jouissent d’un si grand crédit dans le Maharashtra, sont cependant fort peu considérés par leurs collègues des autres provinces ; ceux-ci ne voudraient