Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas d’écrire une comédie des aventures de La Rancune, où il ne fait, le plus souvent, que rimer la prose de Scarron. Le Roman Comique est entremêlé de nouvelles fort agréables imitées ou traduites de l’espagnol : outre celles-là., Scarron en a fait quelques autres tirées du recueil de doña Maria de Layas, intitulé Novelas ejemplares. Le Châtiment de l’Avarice est, pour ainsi dire, une traduction interlinéaire d’El Castigo de la Miseria. Ce n’est pas là, du reste, le seul emprunt que notre poète burlesque ait fait à la littérature d’au-delà des monts.

Un volume ne suffirait pas pour mentionner toutes les pièces et les poésies diverses de Scarron, sonnets, épithalames, requêtes, étrennes, épîtres, rondeaux, odes burlesques, chansons à boire. Ne pouvant marcher et n’ayant guère d’autres distractions, il composait presque sans cesse, joignez à cela qu’il avait une immense facilité, et vous comprendrez aisément que le recueil de ses œuvres soit considérable. Les deux Légendes de Bourbon, les Adieux au Marais, la Foire de Saint-Germain, Héro et Léandre, les Requêtes à la Reine, l’Epître à la comtesse de Fiesque, la Lettre à son ami Sarrazin, en vers trisyllabiques, son Sonnet sur Paris, et deux ou trois autres où l’emphase poétique est fort agréablement raillée, sont les morceaux les plus lus et les plus souvent cités.

L’existence de Scarron n’était en quelque sorte qu’une trêve entre la vie et la mort, et qu’il fallait s’attendre à voir rompre au premier jour. Chaque année, malgré les secours de la médecine, les soins de Quenault et ceux de sa femme, ses souffrances s’aggravaient de façon à lui faire comprendre que sa fin était prochaine. Toute son inquiétude était de laisser sans ressource une femme jeune, belle et honnête, à laquelle il était tendrement attaché. La cour se disposait alors au voyage en Guyenne pour le mariage de Louis XIV, et cet éloignement de ses amis l’attristait encore davantage. Un jour, il fut pris d’un accès de hoquet si violent, que l’on crut qu’il allait mourir. Dans les courts momens de répit que lui laissaient les convulsions, il dit : « Si j’en reviens jamais, je ferai une belle satire contre le hoquet. » Il ne put tenir sa parole, car il retomba bientôt malade, et voyant autour de son lit les gens de sa maison tout en larmes : « Mes amis, leur dit-il, vous ne pleurerez jamais tant pour moi que je vous ai fait rire. » Il mourut en 1660, âgé d’environ cinquante ans, les uns disent au mois de juin, les autres au mois d’octobre. Un passage de la Muse historique de Loret du 16 octobre de la même année semblerait corroborer cette dernière opinion :