Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Palaiseau, qu’il avait aimée avant qu’il fût malade, se trouvait dans état voisin de l’indigence, il la retira chez lui, et s’agita de telle sorte qu’il lui fit obtenir le prieuré d’Argenteuil, qui était de deux mille livres ; cette pauvre fille n’avait pas vu le jour sous une étoile heureuse, car elle eut l’imprudence et la faiblesse de résigner son prieuré à une personne qui la laissa à la lettre mourir de misère.

Pour en finir avec les détails biographiques, arrivons à l’époque où Scarron fit la connaissance de Mlle d’Aubigné, qui devint plus tard sa femme, et dans la suite reine de France sous le titre de Mme de Maintenon. Si jamais existence fut aventureuse et accidentée, c’est assurément celle de Mlle d’Aubigné. Elle est fabuleuse comme la réalité. Un roman n’oserait pas être si invraisemblable.

Mlle d’Aubigné descendait de ce fameux d’Aubigné qui se fit connaître sous Henri III par la Confession de Sancy et le Divorce satirique, œuvres étincelantes de verre, d’une fermeté et d’une énergie de style admirables. Nous ne nous arrêterons pas à faire ici l’histoire de Mlle d’Aubigné, elle est assez connue, et on peut la trouver dans toutes sortes de livres, sans que nous prenions la peine de la transcrire. A son retour d’Amérique, Mlle d’Aubigné vint se loger avec sa fille, qui n’avait pas plus de quatorze ans, vis-à-vis de la maison de Scarron. Le voisinage ayant établi la liaison, notre burlesque, qui, malgré son gros rire, avait le cœur facile à émouvoir, s’intéressa aux malheurs de la mère, qui était dans la plus précaire des situations ; il trouva la petite charmante et proposa de l’épouser. Bien qu’il fût impotent et tordu comme un Z, sa demande ne fut pas rejetée, et la seul objection qu’on y fit, c’est la trop grande jeunesse de Mlle d’Aubigné. Il fut convenu que l’on attendrait deux ans, et que, ce temps passé, le mariage se ferait : ce qui eut lieu effectivement. Il fallait que ces deux femmes, la mère et la fille, fussent réduites à de bi tristes extrémités pour accepter un semblable parti ; peut-être cet espace de deux ans fut-il demandé par elles dans l’espoir de quelque chance heureuse qui ne se présenta point, puisque Mlle d’Aubigné devint Mme de Scarron. Voici une lettre assez curieuse que Scarron écrivait à Mlle d’Aubigné dans les commencemens de leur liaison.

« Je m’étais toujours bien douté que cette petite fille que je vis entrer il y a six mois dans ma chambre avec une robe trop courte, et qui se mit à pleurer je ne sais pas bien pourquoi, était aussi spirituelle quelle en avait la mine. La lettre que vous avez écrite à Mlle de Saint-Hermant est si pleine d’esprit, que je suis mal content du mien de ne pas m’avoir fait connaître assez tôt tout le mérite du vôtre. Pour dire