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réellement une assez jolie maison, il avait une chambre à coucher tendue de damas jaune, avec un ameublement de six mille livres, il portait des habits de velours, faisait une chère délicate, avait plusieurs domestiques, et menait un train assez considérable. La pension qu’il touchait de la reine, celle que lui servait son père, son bénéfice et l’argent que lui rapportaient ses livres, devaient subvenir abondamment à ses dépenses. Son marquisat de Quinet lui rendait de bonnes sommes. Il appelait ainsi le revenu de ses écrits ; son libraire avait nom Quinet. Il n’était donc pas si à plaindre qu’il voulait bien le dire, et s’il souffrait de toutes les tortures de Job, il n’en fut du moins jamais réduit à s’asseoir sur un fumier et à racler ses plaies avec un tesson. Son fumier était un très bon fauteuil parfaitement rembourré avec des bras et une planchette, disposés de façon qu’il pût travailler lors que la goutte ne le tourmentait pas trop. Il avait même un secrétaire ou un laquais qui en tenait lieu, s’il faut s’en rapporter à ces vers :

Et le valet que je faisais écrire,
Autre démon qu’on ne vit jamais rire,
Et dont l’esprit indifférent et froid
Eût fait jurer un chartreux tout à droit,
Cessant enfin d’être mon domestique,
M’a délivré d’un fou mélancolique.

Il était en relation amicale et familière avec Mmes la comtesse du Lude, de la Suze, de Bassompierre ; avec MM. de Villequier, le prince et la princesse de Guémenée, Mme de Blérancourt, la duchesse de Rohan, Mme de Maugiron, de Bois-Dauphin, M. de Courcy, le major Aubry, Sarrazin, la Ménardière, et beaucoup d’autres, ses voisins et ses voisines, qui habitaient la Place Royale ou les environs, et qu’il désigne par quelque compliment ou mention obligeante dans son adieu au Marais, lorsqu’il alla prendre les bains de tripes à l’hôpital de la Charité, au faubourg Saint-Germain, dans l’espérance de trouver quelque soulagement à ses maux. Le bain de tripes n’y fit pas plus que les eaux de Bourbon, qu’il était allé prendre par deux fois, et qui n’avaient pas même réussi, comme il le dit plaisamment, à changer son pis en simple mal. Si ces voyages ne contribuèrent pas au rétablissement de sa santé, ils servirent du moins sa fortune. Il y fit quantité de belles connaissances, et s’y créa d’illustres relations. Les deux Légendes de Bourbon, qu’on peut mettre au nombre de ses plus agréables poèmes, lui fournirent l’occasion de placer toute sorte de gracieusetés, et d’allusions flatteuses pour les grands personnages avec lesquels il s’était trouvé aux eaux : il y acquit un protecteur dans la personne de Gaston