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qu’écrivant à la même époque que Racine, est de cent ans plus vieux comme langue. Nous n’entendons pas par là lui faire un reproche, car, selon nous, la langue de Molière est une des plus belles donné à l’homme de parler ; nous voulons seulement dire que la tragédie, du moins telle que les classiques la comprennent, renferme moins d’idiotismes que la comédie.

Boileau ne se montre pas fort tendre à l’endroit de Scarron et du Typhon en particulier. On connait ces vers de l’Art Poétique :

La cour, enfin désabusée,
Distingua le naïf du plat et du bouffon,
Et laissa la province admirer le Typhon.


Mais Boileau, outre la délicatesse superbe de son goût, avait peut-être quelque rancune contre Scarron ; Gilles Boileau, frère aimé du poète, avait eu, avec l’écrivain de vives escarmouches d’épigrammes, il avait été même jusqu’à dénigrer la vertu de Mme Scarron dans un sixain que voici :

Vois sur quoi ton erreur se fonde,
Scarron, de croire que le monde
Te va voir pour ton entretien ;
Quoi ! ne vois-tu, pas, grosse bête,
Si tu grattais un peu ta tête,
Que tu le devinerais bien ?


Scarron, furieux, lui répondit par un déluge d’épigrammes qui ne sont pas toutes, il faut l’avouer, relevées de sel attique, mais de gros sel gris salpétré. Il riposte aux injures de Gilles par des accusations de promenades nocturnes sur le quai de la Mégisserie, les Champs-Élysées de ce temps-là, pour les rendez-vous équivoques et monstrueux. C’était alors l’habitude entre savans et littérateurs en querelle d’aller chercher des épithètes à Sodome et à Gomorrhe ; ici du moins la cruauté de l’attaque excusait la violence de la riposte.

Le Typhon, dont Boileau lui-même reconnaissait que le début était bien tourné et d’une assez fine plaisanterie, est dédié à son éminence monseigneur le cardinal Jules de Mazarin. Cette dédicace offre un assez curieux rapprochement avec la Mazarinade du même auteur. Scarron appelle Mazarin grand homme, Jules plus grand que le grand Jules, Alcide sur lequel Atlas peut s’accouder quand il se sent fatigué ; il le supplie de jeter du haut de son Olympe un regard sur le pauvre poète ; s’il l’obtient, il sera aussi joyeux que s’il avait recouvré la santé, et que si, n’étant plus impotent, il pouvait à son éminence faire profonde révérence. Il paraît que le Mazarini ne se montra