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faudra sévir ou non. De leur côté, les géans se consultent et se démènent. Encelade, dont le nom fournit la plus heureuse rime à escalade, veut absolument dénicher Jupiter de son taudis aérien, et se propose de faire déloger tous les hôtes des maisons étoilées. Il n’a besoin de personne pour cette entreprise ; il en aura tout seul le péril et l’honneur. Typhon entend ces fanfaronnades avec joie, et toute la bande démesurée pousse des acclamations en signe d’acquiescement. Mimas se met à braire d’aise, Porphyrion étend ses griffes de bête fauve ; Polybotte, au grouin de baleine, grogne pesamment ; Asie, le grand assommeur d’ours, Thoon, Ephialte, Coée, Japet, Echion, Almops, se mettent à crier comme des enragés : Vive Typhon ! Malheur aux dieux !

Pendant ce temps-là, Jupiter tempête et jure dans son Olympe comme un charretier dans un chemin creux de Basse-Bretagne. On fait la revue des munitions, qui ne sont pas très considérables, et l’on députe le factotum Mercure au dieu qui produit les exhalaisons. Celui-ci ne veut pas d’abord en donner à crédit, on lui doit déjà beaucoup, car au ciel on ne paie personne ; cependant, vu l’urgence du danger, il répond qu’il va en faire monter de quoi contenter maître Jupin. — Mercure, chemin faisant, met dans sa poche la Gazette et l’Extraordinaire qui renferment des détails sur les forces des géans.

Le conseil des dieux ressemble beaucoup à un conseil terrestre ; on s’y dispute d’abord sur le pas et la préséance. Neptune, qui n’est pas grand orateur et ne sait que gronder, s’embrouille dans son discours ; Mars fait le capitaine Fracasse, le tranche-montagne, au seul vent de sa tueuse il renversera l’armée des géans. Vulcain s’offre à fabriquer pour les fenêtres et les portes de l’Olympe des grilles et des serrures si compliquées, que Typhon s’y retournerait les ongles. Le temps se passe en délibérations ridicules, et Jupiter lève la séance. Chacun retourne dans sa chacunière sans que les choses soient plus avancées.

Au commencement du troisième chant, Apollon fait monter là-haut les nuages demandés : ce sont des nuages première qualité, gros de nitre, de soufre et de résine ; l’air en est obscurci : jamais brouillard de Londres ne fut d’une telle épaisseur. A la faveur de ces nuages qui empêchent de voir la terre du ciel, Encelade commence à poser des montagnes les unes sur les autres, comme un maçon qui arrange des briques ; il met Pelion sur Ossa, et fait un si prodigieux entassement, qu’il atteint à la hauteur du logis des Olympiens, dont il rejoint les murailles à l’aide d’un pont volant. Jupiter, voulant voir le temps qu’il fait, ouvre une fenêtre, et n’est pas médiocrement effrayé en se