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en Belgique, où ils recevaient de forts salaires, revinrent presque aussitôt, cédant au mal du pays. Nés dans une société exceptionnelle, il faut croire qu’ils ne se trouvent pas à l’aise dans un ordre social mieux réglé. N’a-t-on pas vu aussi des esclaves qui, effrayés d’avoir désormais à pourvoir à leur subsistance, refusaient la liberté comme un fardeau ?

Si j’ai bien rendu les traits généraux de la démocratie industrielle à Birmingham et dans le comté de Stattford, cette organisation a peu d’avantages, qui lui soient propres. C’est le travail en famille, moins la sainteté des mœurs domestiques ; il lui faudrait des circonstances exceptionnelles pour lutter contre les manufactures armées de la puissance des machines et de celle des capitaux. Dans un pays comme la France, l’industrie parcellaire et domestique est, pour ainsi dire, un produit naturel ; sans parler des ateliers parisiens, quoi de plus florissant que les petites villes de Thiers, de Saint-Claude et de Gérardmer ? Mais, en Angleterre, les institutions et les mœurs lui sont également contraires ; elle n’y peut plus exister qu’à l’état d’anomalie, et de curiosité.

Et maintenant, la possibilité, qui n’existe déjà plus ; pour l’ordre industriel, va-t-elle naître pour l’ordre politique ? L’Angleterre, ébranlée un moment par le contre-coup des journées de juillet, penche-t-elle, autant qu’on l’a cru, vers la démocratie ? Les émeutes de Birmingham et de Newport ont-elles sonné l’heure de l’affranchissement ? Ces millions d’ouvriers qui protestent contre les institutions et qui réclament le suffrage universel, tantôt par des pétitions, tantôt à force ouverte, ont-ils quelque chance de prévaloir contre l’influence du petit nombre d’hommes qui gouvernent le pays ? L’Angleterre est-elle, comme la France en 1789, à la veille d’une révolution ? Malgré des symptômes bien menaçans, je demande la permission de ne pas le croire. J’en dirai ailleurs les raisons.


LÉON FAUCHER.