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enfans qui naissent succombent avant la sixième année. Dans les autres districts du comté, la proportion des décès au-dessous de cinq ans n’est que de 35 pour 100. Or, quand on songe que la vie moyenne dure tout aussi long-temps à Birmingham que dans les campagnes, il faut bien reconnaître que les circonstances atmosphériques n’ont aucune part à l’espèce d’épidémie qui moissonne tant d’enfans au berceau. Cette épidémie est principalement de l’ordre moral ; on en trouve la cause dans l’absence de ces soins maternels que la nature, pour le distinguer des animaux, a rendus plus nécessaires à l’homme que l’air et que le lait. A Birmingham comme à Manchester, le travail dissout la famille. Les femmes, employées dans les ateliers, négligent leurs devoirs domestiques, et cette négligence résulte de l’habitude encore plus que de la nécessité. La jeune fille, accoutumée dès l’enfance à l’existence tout extérieure des populations industrielles, ne sait pas ou ne veut pas, en se mariant, former autour d’elle un intérieur, un foyer ; elle continue à fréquenter les ateliers, travaille pendant sa grossesse jusqu’au dernier jour, reprend l’ouvrage trois semaines après, et confie alors ses petits enfans aux soins de quelque vieille femme ou de quelque autre enfant à peine plus âgé que les siens ; cette surveillance lui coûte à peu près autant que son travail peut lui rapporter[1]. Toutefois, l’insouciance des mères ne va pas jusqu’à l’expédient barbare de ces potions opiacées qui n’endorment la faim ou les cris qu’en altérant le principe même de la vie.

Si les ouvriers vivent plus long-temps à Birmingham qu’ailleurs, cela ne veut pas dire qu’ils soient beaucoup plus robustes. Dans l’échelle sanitaire du royaume, la population de la ville occupe ce degré intermédiaire qui n’est ni la rachitisme, ni la vigueur, se maintenant presque à une égale distance de la maladie et de la santé. En entrant à Birmingham, on n’est pas frappé du spectacle de cette dégradation physique qui signale, dans quelques districts, les familles des tisserands et celles des fileurs ; mais on y aperçoit pas non plus la race herculéenne que l’on rencontre parmi les ouvriers des mines et des forges, ces athlètes du travail qui, selon l’expression des commissaires du gouvernement[2], traversent la vie comme des coqs de combat. Ainsi, plus de la moitié des volontaires qui se présentent pour entrer dans les rangs de l’armée sont rejetés comme impropres au service militaire[3], et, ce qui indique

  1. Children’s employment commission.
  2. « They live their lives, as fighting cocks. » (Id.)
  3. « Out of 613 men enlisted, almost all of whom come from Birmingham and five other neighbouring towns, only 238 were approved for service. » (Children’s commission)