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circonstances, et la banque devait avoir la faculté de venir en aide à la circulation en y laissant couler le flot nécessaire de billets sans avoir à en justifier la source dans un accroissement de dépôts en espèces ou lingots.

Cette séparation d’attributions et cette limite de la circulation, qui ne paraissent être que de pures mesures administratives, sont les plus graves réforme que contienne le projet de sir Robert Peel. Les autres dispositions de la charte nouvelle ne présentent, à peu de chose près, que de simples modifications, sauf pourtant l’interdiction du droit d’émission aux autres banques qui pourront s’établir, et la faculté donnée aux banques par actions à Londres et dans le rayon de soixante-cinq milles de la métropole, d’accepter les lettres de change ayant moins de six mois à courir. Les banques par actions se trouvent donc assez favorisées par ce projet, mais la condition des banquiers n’est pas améliorée. Ils sont, au contraire, placés plus immédiatement sous le coup des banques par actions, qui entreront en rivalité avec eux, dans tout le cercle de leurs opérations. Les intérêts des banquiers auraient pu être plus ménagés. Le gouvernement et la banque elle-même ne peuvent oublier qu’ils ont rendu, aux époques de crise ou de malheur, les services les plus signalés au pays, soit en acceptant les premiers les billets comme de véritables espèces, soit en les accréditant de tous leurs moyens par leur persévérance, à répandre la plus grande masse de billets à l’intérieur et a l’étranger.

Après avoir examiné avec attention ce projet, où se révèle un talent si distingué, si éminent, on y reconnaît aisément la propension de sir Robert Peel pour le système métallique, qui lui a toujours fait envisager le principe si rationnel de la convertibilité du papier-monnaie sous un point de vue trop exclusif, trop absolu. Dans cette rapide appréciation du plan financier de sir Robert Peel, nous nous sommes attaché seulement à mettre en saillie les points qui dénotent la pensée dominante de cette conception. On y retrouve à chaque pas, nous le répétons, ce désir que sir Robert Peel avait déjà montré, en 1819, d’asseoir sur des bases métalliques le mouvement général des transactions financières de l’Angleterre. En suivant cette voie, il s’écarte des théories émises par le plus grand nombre des économistes anglais, et se rapproche seulement par un point du projet présenté, il y a quelques années, par lord Althorp. Ce projet tendait, comme celui de sir Robert Peel substituer les billets de la banque d’Angleterre à ceux de toutes les banques de province, sauf une grande différence : lord Althorp voulait que cette mesure concordât avec le rétablissement presque exclusif du papier-monnaie tout en conservant l’or comme étalon de toutes les valeurs. — Dans ce projet, on le voit, le principe si essentiel de la convertibilité du papier-monnaie était totalement mis en oubli, et, dans le projet de sir Robert Peel, le même principe, interprété d’une manière trop absolue, conduit cet habile ministre à regarder le papier-monnaie, ce puissant intermédiaire d’échange, moins comme un bien qu’il faut savoir régler que comme un mal qu’il faut s’efforcer d’enchaîner.