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de la bête privilégiée. Cet ornement de coquillages, si commun dans la presqu’île indienne, n’est pas un grand luxe ; la valeur du kauri, admis comme monnaie dans les bazars, où les banquiers en apportent des cassettes pleines, ne représente que la quatre-vingtième partie d’un sou de cuivre !

Le soir, après avoir choisi un lieu propre à la halte, la tribu s’arrête. Les balles de coton disposées en murailles sur quatre faces for-ment un camp retranché, avec une seule ouverture, au milieu duquel on enferme le bétail pendant la nuit. Dans les lieux déserts où l’on peut craindre l’attaque d’un tigre ou d’une bande de voleurs, des sentinelles veillent, attentivement à l’entrée. Au centre sont dressées les tentes de toile ou de nattes qui abritent la famille voyageuse ; les hommes accrochent leurs armes aux poteaux fixés en terre, s’accroupissent en rond et causent en fumant. Leur narguilé consiste en un coco vidé surmonté d’une tige plus ou moins ornée qui soutient le fourneau, et muni d’un tuyau de bambou. Jamais le Mahratte ne quitte sa demeure sans emporter avec lui cet ustensile assez embarrassant, le narguilé et le sabre antique à large garde sont ses inséparables compagnons de route. Le costume des hommes se compose généralement d’une étoffe blanche serrée autour des reins et des cuisses de manière à ne pas gêner le mouvement du genou ; en plaine, c’est dans un des plis de cette ceinture ; roulée plusieurs fois autour du corps, que le montagnard passe son cimeterre ; quand il s’enfonce dans les broussailles des collines, il le tient à la main. Le Bedouin qui marche sur les sables du désert peut bien suspendre à une ficelle autour de son cou la fine lame de Damas enfermée dans un fourreau de bois ; mais comment le Mahratte, agile et leste comme le chamois, gravirait-il les ravins des Ghautts, si son arme embarrassait sa course ? Les aspérités des rocs l’obligent aussi à garnir son piedd’un grossier cothurne, quelquefois même il enveloppe ses jambes d’un pantalon pareil à celui des anciens Francs. Sa tête est ornée du turban hindou, fait d’une étoffe rouge ou blanche dont la pointe retombe sur la nuque et l’abrite du soleil.

Tandis que les hommes se reposent, les femmes commencent les travaux du ménage ; celles-ci allument le feu, rassemblent les branches mortes autour du camp ; celles-là s’en vont, une cruche sur le front, un enfant sur la hanche, suivies de cinq ou six autres plus grands qui gambadent nus dans la poussière, puiser l’eau à la fontaine voisine. Dans la saison froide, elles se couvrent la tête et les épaules d’un court manteau à capuchon, d’étoffe ratée, inconnue dans les autres provinces