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La pensée principale de cet article, quoique assez adroitement déguisée dans le début, peut se résumer ainsi : En cas de guerre maritime avec l’Angleterre, la France ne doit point compter sur l’alliance de la Hollande, pour deux raisons : la première, c’est que les marines secondaires n’ont rien à redouter de la suprématie de l’Angleterre, la souveraineté des mers étant reléguée au nombre des prétentions surannées des siècles barbares ; la seconde, c’est que cette suprématie, sans danger si c’est l’Angleterre qui la possède passant du côté de la France, conduirait à l’établissement de la monarchie universelle sur le continent (laquelle sans doute n’est pas reléguée au nombre des prétentions surannées des siècles barbares). Il y a là presque autant d’hérésies que de mots ; il ne nous sera pas difficile de le prouver.

La suprématie maritime de l’Angleterre n’est point à craindre pour les puissances navales du second ordre ! Les temps sont donc bien changés, et la politique anglaise aussi ; car, si notre mémoire est bonne, cette prudente et ambitieuse nation n’a pas été lente à profiter de la conflagration universelle allumée par la révolution de 89, pour détruire leur marine et leur enlever leurs colonies. Que sa première pensée ait été, aussitôt la guerre engagée entre elle et la république, de s’emparer de Toulon, rien de plus naturel ; qu’elle ne se soit pas crue forcée de conserver pour les Bourbons, dont elle prétendait vouloir relever le trône, ces vaisseaux redoutables qui, de la mer des Indes aux baies de la Nouvelle-Angleterre, avaient défendu avec trop de succès un grand fait et un grand principe, l’indépendance d’un peuple nouveau et l’indépendance de la mer, se conçoit. A la rigueur on ne peut pas lui faire un reproche d’avoir anéanti à Trafalgar la marine espagnole, déjà si rudement atteinte au cap Saint-Vincent : l’Espagne devait expier sa fidélité à une alliance traditionnelle, et c’est peut-être pour rendre la leçon plus complète que le cabinet britannique ne lui a pas restitué l’île de la Trinidad à la paix générale. Mais les petits peuples qui subissaient malgré eux notre domination continentale, qu’avaient-ils fait à l’Angleterre pour qu’elle les ait traités plus rudement encore ? Ils avaient des colonies, ils avaient des vaisseaux : voilà quel fut leur tort et la cause première de leur ruine. Aussi, voyez comme elle s’est pressée de leur porter des coups dont ils ne se sont point relevés. En 1795, la Hollande est envahie par Pichegru ; moins de deux ans après, la puissance navale de cette nation de marins périt au Doggersbank. Il fallait bien se hâter ; la restauration du stathoudérat, qu’on croyait Imminente, aurait fait perdre à jamais l’occasion précieuse. Et le Danemark, dont la capitale fut bombardée deux fois, quel crime avait-il commis ? Il possédait une flotte qui pouvait devenir inquiétante une expédition de boucaniers, organisée sur une grande échelle, vint la lui dérober dans le port. Dès