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Il est évident que le gouvernement espagnol est sur le point de prendre une résolution décisive en ce qui se rapporte à la convocation des cortès. Les personnes les mieux informées affirment que cette résolution sera conforme aux principes du gouvernement représentatif, dont les principaux ministres de la reine sont les partisans sincères et chaleureux. Narvaez seul aspire à faire à la constitution de 1837 des modifications par ordonnance, moins d’après des vues théoriques, et en raison de la valeur de ces modifications mêmes, que pour faire prédominer avec éclat l’élément militaire sur la puissance civile au sein du gouvernement. On croit que l’action de M. de Viluma sera décisive dans le conseil de Marie-Christine, et que le ministre des affaires étrangères, inspiré par lord Aberdeen, pour lequel il professe une confiance illimitée, inclinera vers une prochaine convocation des cortès, dont l’élection s’opérerait à coup sûr dans les conditions les plus rassurantes pour tous les amis de l’ordre et de la monarchie. Avec une chambre nommée sous l’influence qui domine en ce moment l’Espagne, rien ne sera plus facile que d’apporter légalement à la constitution qui régit ce pays des modifications peut-être désirables, particulièrement en ce qui concerne la formation du sénat. Nous espérons que tel sera le seul résultat des conférences de Barcelone. La question du mariage reste ajournée ; quelles que soient les préférences personnelles de la reine Marie-Christine, rien n’indique l’intention d’imposer en ce moment à l’Espagne le jeune comte de Trapani, dont la candidature matrimoniale n’est agréable à aucun parti, et qui continue au collége des nobles une éducation exclusivement cléricale. L’attitude de l’Angleterre, dans cette question, devient de plus en plus singulière. Il est difficile de ne pas voir dans la réserve calculée de son gouvernement une sorte d’encouragement à l’union d’Isabelle II avec le fils aîné de don Carlos. Or, si une telle chose devenait jamais possible, ce dont on peut assurément douter, ce ne serait qu’avec le concours et par l’initiative même de la France. Dans d’autres conditions, et sous une autre influence, ce mariage serait à la fois une menace pour ses intérêts politiques et une insulte directe à sa dynastie. La cordiale entente suffira, du moins nous l’espérons, pour nous épargner une telle extrémité. Le jeune duc de Cadix est en ce moment de tous les aspirans à la main de la reine celui dont les chances semblent les plus favorables. Si ce mariage ne présente aucun avantage notable, il n’offre non plus aucun grand inconvénient ; or, c’est presque toujours par le côté négatif que se résolvent les affaires humaines.




— Une perte cruelle vient de frapper tout récemment l’auteur des Lettres sur l’Histoire de France. Mme Augustin Thierry, qui avait acquis à un double titre les sympathies de tous les amis des lettres, est morte après une courte et terrible maladie. Aux qualités brillantes de l’esprit qui font le