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quel point et à quel degré de réalité Pascal croyait à Jésus-Christ, au Dieu homme et sauveur, qu’on a voulu faire de lui un sceptique. Certes Il eût été sceptique sans sa croyance à Jésus-Christ, et cela vous semble peu de chose, parce que, si nous n’y prenons garde, nous devenons sujets, tous tant que nous sommes, en parlant beaucoup de christianisme, à ne plus bien savoir ce que c’est que Jésus-Christ au sens réel et vivant où il le prenait.

Qu’on veuille encore une fois se représenter l’état vrai de la question : des deux puissances qui sont aux prises chez Pascal et dont l’une triomphe, il en est une que nous comprenons tout entière, que nous sentons toujours et de mieux en mieux, le scepticisme ; et quant à l’autre, quant au remède pour lui souverainement efficace et victorieux, nous sommes de plus en plus en train de l’oublier, ou du moins de le transformer vaguement, de n’y pas attacher tout le sens effectif ; de là nous nous trouvons induits, en jugeant Pascal, à transporter en lui le manque d’équilibré qui est en nous, le voir plus en doute et plus en détresse qu’il n’était réellement sous ses orages.

Nous aurions pu, en nous appuyant au travail de M. Faugère, nous étendre sur d’autres points qu’il discute lui-même dans son introduction, mais nous avons mieux aimé aller au principal. En résultat, grace à cette édition qui fixe le texte et coupe court aux conjectures, on a droit de dire, si je ne me trompe, que nous avons reconquis le premier Pascal, mais nous le possédons aujourd’hui par des raisons plus entières et plus profondes.


SAINTE-BEUVE.