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Il y a donc eu un déficit de 21 millions sur un seul exercice. Ce déficit va croissant chaque année, et il ne faut s’en prendre qu’au système du gouvernement, qui pourvoit aux besoins financiers du pays par de nouvelles émissions de papier-monnaie. Les hommes d’état brésiliens comptent, pour rétablir un peu d’ordre dans les finances, sur l’expiration du traité de commerce avec l’Angleterre, qui permettra de modifier les droits d’importation. Le Brésil, disent-ils, pourra alors, par un accroissement de revenus, rembourser tous les emprunts onéreux qu’il a dû faire, et élever ses recettes au niveau des besoins de l’empire.

Peut-on partager cet espoir ? Le pouvoir connaît-il bien les causes des maux qui affligent le Brésil, et saura-t-il appliquer le remède ? Jusqu’à ce jour, disons-le en finissant, ce n’est ni au gouvernement, ni à la nation, c’est à la richesse de ses mines et la fertilité de son sol que le Brésil doit d’avoir échappé à une complète désorganisation. Le gouvernement s’obstine à n’appliquer que des palliatifs impuissans ; la nation rêve une république fédérative sans voir les causes du mal là où elles sont, dans les mœurs, et non pas dans les institutions. Un sentiment déplorable, la haine des étrangers, n’a pas cessé de dominer l’esprit des habitans et même de troubler la vue des hommes politiques. Au lieu de se consacrer à des réformes morales et matérielles qui deviennent chaque jour plus urgentes, on poursuit une vaine indépendance, comme s’il ne fallait qu’échapper à l’influence du Portugal pour retrouver la richesse et la prospérité. Les populations sont soulevées chaque année pour des mots et par des mots : chaque crise nouvelle doit entraîner plus de liberté, affaiblir l’action étrangère. Aujourd’hui l’indépendance du Brésil vis-à-vis du Portugal est complète, et cependant la misère est plus grande que jamais, le mécontentement est général. Ne serait-il pas temps de voir qu’on se trompe de route ? C’est au contraire l’influence des étrangers qui peut régénérer le Brésil. Le seul but auquel doit tendre cette société inquiète, c’est, en augmentant la valeur de ses produits, de créer des relations plus fréquentes et plus avantageuses avec l’Europe. Tant qu’ils n’admettront pas comme principe que le commerce est pour eux la base de toute richesse, les Brésiliens ne feront que s’engager davantage dans une voie d’appauvrissement et de faiblesse. Le commerce ne leur