Le meilleur moment pour juger un écrivain, de son vivant, c’est l’âge de sa maturité. Plus tôt, à ses débuts, il donne rarement sa mesure, il promet trop ou pas assez, de telle sorte qu’on peut entrevoir un grand homme là où il n’y a qu’une médiocrité au premier chef, ou bien qu’on court le risque de prendre un aigle pour un roitelet, ce qui arriva un jour à lord Brougham, de quoi Byron, comme on sait, lui garda rancune. — Plus tard, aux années du déclin, alors qu’il serait facile de traduire l’écrivain tout entier à la barre et de lui faire subir un interrogatoire motivé, il s’abrite derrière ses cheveux blancs, et si on a à dire quelques vérités un peu dures, il convient d’attendre jusqu’au lendemain, qui ne sera rien moins que la postérité. À l’entrée et à la sortie de la carrière, qu’on rencontre le jeune homme ou le vieillard, on est donc, pour des motifs différens, jusqu’à un certain point empêché, et les restrictions sont de mise ; mais après les débuts et avant la décadence, après les élans vigoureux de la jeunesse qui bouillonne et avant les derniers
- ↑ Il est entendu que minores n’est pas pris ici en mauvaise part : en critique littéraire comme en diplomatie, il y a les grandes puissances et les petites puissances, et il est important de ne pas les confondre.