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les mesures des agens qu’il a lui-même choisis, il abdique en réalité entre les mains de cette influence le protectorat efficace et véritable.

Tel est le bilan de la politique du ministère ; c’est dans cet ensemble, dans ses prétentions comparées à ses résultats, dans ses desseins mis en contraste avec les faits qu’ils produisent, qu’elle veut être jugée. C’est donc en vain que les amis du ministère lui chercheraient un sujet de triomphe dans le dénouement de la dernière difficulté. Le ministère eût-il obtenu un succès complet : le droit, l’intérêt et la considération de la France fussent-ils sortis intacts de la solution à laquelle a donné lieu l’affaire de M. Pritchard, quelle serait la position du ministère ? Il aurait épargné au pays une des conséquences désastreuses d’une politique dont la responsabilité ne peut retomber que sur lui. Ce serait une bonne fortune dont il pourrait s’estimer heureux, mais de laquelle il n’aurait aucun droit à se faire un titre à la reconnaissance du pays. Il s’en faut assurément que les choses soient ainsi. Ce n’est pas néanmoins sur le dernier accident de l’affaire de Taïti que doit être instruit le procès de la politique du ministère ; il faut la considérer tout entière pour en mesurer tous les dangers, pour lire dans son passé l’avenir qu’elle prépare au pays. M. Guizot, l’année dernière, n’a cru pouvoir demander aux chambres qu’un sursis au sujet du désaveu de l’amiral Dupetit-Thouars. Ne préjugez pas, disait-il alors, c’est une affaire qui commence. Nous avons vu aujourd’hui comment se continuent les affaires ainsi commencées et conduites. Lorsque de si grands intérêts sont en jeu, sera-t-on disposé à attendre des catastrophes pour savoir comment elles finissent ?

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