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SITUATION DE LA FRANCE VIS-À-VIS DE L’ANGLETERRE.

de la souveraineté indigène, dès qu’elle sera en dissentiment avec vous, et ce jour-là des étrangers eux-mêmes pourront vous dire que vous avez rompu votre propre traité. » À ces avertissemens M. Guizot répondait par une épigramme. « Je me félicite, disait-il, de voir que les honorables opposans sachent venir conseiller, recommander une politique réservée, prudente, modeste, passez-moi le mot. » N’est-ce pas aujourd’hui retourner cette épigramme contre M. le ministre des affaires étrangères que de se borner à la rappeler ? M. Guizot trouve-t-il aujourd’hui le même piquant au sel de son ironie ?

Pour nous, nous ne savons pas en vérité de ministère qui ait rencontré sur tous les points des mécomptes aussi cruels et aussi instructifs que le cabinet du 29 octobre. Ce ministère se donne pour le partisan systématique de la paix ; la paix partout et toujours, c’était la devise qu’il avait inscrite sur son drapeau, devise dont nous ne blâmons pas la pensée, bien au contraire, mais dont nous blâmons l’expression jetée comme une bravade à des susceptibilités qu’il faut toujours respecter, que nous blâmons surtout lorsque, considérant le ministère à l’œuvre, nous le voyons, dans sa politique extérieure, ne pouvoir faire un pas sans évoquer devant le pays le fantôme de la guerre. Ce ministère se donnait pour le seul qui pût réaliser l’alliance anglaise : il y a huit mois, il parlait de l’entente cordiale qui l’unissait avec le gouvernement britannique ; il devait donc avoir le secret de calmer les défiances de l’Angleterre, il devait avoir assez d’ascendant sur le cabinet anglais pour en obtenir des procédés bienveillans envers les intérêts français ! Au contraire, d’un acte dont l’initiative n’appartient qu’à lui sortent des conflits qui font courir à la paix, de l’aveu même de ses journaux, les plus sérieux périls dont elle ait été menacée depuis bien des années : c’est à lui que s’adressent en plein parlement les paroles les plus dures qui soient tombées depuis trente ans, sur le compte de la France, de la bouche de ministres anglais. Ce ministère a une velléité de politique coloniale ; au mépris des principes économiques et des véritables intérêts commerciaux, malgré les avis d’une opposition dont il raille la prudence, il fait dispendieusement des établissemens stériles, afin, dit-il, d’épargner à la France les embarras des grandes entreprises, et ces établissemens ont déjà donné plus d’inquiétudes à la politique extérieure de la France que la conquête de l’Algérie ! Il soumet à un protectorat une souveraineté animée et soutenue par une influence étrangère, et sur toutes les questions qui s’élèvent entre les deux autorités, désavouant ou regrettant