Tous, ils se sont distingués par une entente complète des intérêts économiques, par une expérience consommée dans les questions commerciales, par une habileté supérieure dans la conduite des affaires positives. Ces qualités indispensables pour mener le gouvernement d’un grand pays dans une situation pacifique manquent à M. Guizot. Il ne s’en est jamais montré plus dépourvu que dans l’ébauche de politique coloniale qu’il a tentée aux Marquises et à Taïti.
Je me souviens d’avoir assisté à la séance de la chambre des députés où M. le ministre des affaires étrangères vint justifier ces malheureux établissemens. Il avait à répondre à un des meilleurs discours qu’ait prononcés M. Billault, à un discours où, dans une argumentation éclairée par la connaissance des intérêts commerciaux et les vives lumières du sens pratique, fortifiée par une logique ferme et pressante, cet orateur avait réuni les plus remarquables qualités qui distinguent son talent. Il était bien démontré, après le discours de M. Billault, que M. Guizot nous avait conduits dans une mauvaise affaire. M. Guizot se défendit par d’étranges argumens : il demandait un crédit annuel de trois millions. (Le budget de la colonie anglaise de la Nouvelle-Zélande, colonie bien plus considérable que les Marquises et Taïti et d’un avenir magnifique, ne s’élève qu’à la moitié de cette somme.) M. Billault avait démontré combien une somme si énorme était disproportionnée avec le peu d’importance commerciale des établissemens. M. Guizot crut lui fermer la bouche en venant lire un tableau duquel il résultait que les baleiniers français, à qui on voulait assurer des points de relâche à Taïti et aux Marquises, fréquentaient, au nombre de vingt environ, l’Océan Pacifique, et rapportaient du produit de leur pêche une valeur annuelle d’un peu moins de quatre millions. Faire dépenser à l’état trois millions pour protéger un commerce qui procure à ceux qui l’exploitent à peu près cette somme ! voilà avec quelle habileté M. Guizot entendait la protection des intérêts commerciaux, et cette considération des baleiniers était le seul motif d’intérêt actuel qu’il donnât à la prise de possession des Marquises et au protectorat de Taïti ! Et après avoir développé cette considération, M. Guizot s’écriait avec une gravité que je n’oublierai jamais : « Il est évident que, sous ce point de vue, le projet de loi correspond à un intérêt national ! » Mais M. Guizot poussa l’erreur plus loin : il éleva la faute qu’il avait commise en prenant ces îlots à la hauteur d’une doctrine politique. Il prononça une leçon de politique coloniale de sa façon. M. Billault avait déploré que nous nous fussions laissé devancer par l’Angleterre dans la Nouvelle-Zélande, où un riche avenir