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académiciens se bornèrent à publier de beaux mémoires critiques, parmi lesquels on en remarque de Marina, de Campomanès, de Jovellanos. Nous avons regret à le dire, c’est seulement depuis 1840 que de si utiles publications ont complètement cessé. L’académie de Madrid avait à peine commencé ses travaux, que sur le même plan et pour le même objet trois autres académies se fondèrent à Séville, à Valence et à Barcelone ; les deux premières n’ont point survécu aux révolutions et aux crises qui ont marqué le commencement de ce siècle ; la troisième avait également disparu durant les guerres et les troubles ; mais, à l’heure même où nous sommes, nous apprenons qu’elle vient de se reconstituer. — Philippe V ne se borna pas à créer des académies : en vertu d’un ordre royal, signé de la propre main du monarque, des érudits visitèrent les bibliothèques, les ayuntamientos, les monastères, pour examiner toutes les chroniques et les classer suivant le degré de confiance qu’elles pouvaient inspirer. Ce furent les missi dominici de la science ; de leurs études et de leurs recherches persévérantes, il résulta une foule de traités, de dissertations, de notices que le patient Masdeu édita en 1784, sous le titre de Historia critica de la cultura española. La collection de Masdeu s’arrête à l’an 1000. Nous apprenons également que les investigations ordonnées par Philippe V vont être poursuivies sur tous les points de la Péninsule, en vertu d’un décret de la reine Isabelle : les jeunes savans à qui M. Pidal se propose de confier une si noble mission auront bien mérité de l’Espagne, s’ils font pour les derniers siècles ce que leurs devanciers ont fait déjà pour les temps les plus reculés.

En dépit de tous les efforts entrepris sous Philippe V, sous Charles III, sous Charles IV lui-même, c’est le XVIIe siècle qui en Espagne est la grande époque de l’érudition historique. Si les Antonio, les Ferreras, les Mondejar n’ont pas épuisé tous les filons de la mine, ils ont du moins indiqué les plus riches veines. Dans les antiquités ecclésiastiques, Aguirre et Florez n’ont absolument rien laissé à faire : leurs livres doivent être considérés comme les deux parties d’un seul et même ouvrage formant l’histoire générale du principe théocratique au-delà des Pyrénées. Il y a aujourd’hui dans le clergé espagnol trois hommes d’un mérite incontestable, don Jaime Balmes, don Jose-Judas Romo, évêque des Canaries, et don Manuel-Joaquin Tarancon, évêque de Zamora ; tous les trois ont prouvé qu’ils avaient la parfaite intelligence de ce qui se rattache au passé de leur église, M. Balmes dans son livre Del Catolicismo comparado cori el proteslantismo, M. Romo dans son Ensayo sobre la independancia de la iglesia de España, M. Tarancon dans plusieurs brochures, et çà et là dans les revues de province et de Madrid. Mais ce sont là des œuvres de philosophie et de controverse bien plutôt que d’érudition pure ; quand, pour autoriser leurs opinions, MM. Tarancon, Romo et Balmes ont besoin de recourir aux preuves historiques, ce sont Aguirre et Florez qui leur fournissent les meilleurs argumens.

L’histoire littéraire nous paraît présenter moins de difficultés encore que l’histoire ecclésiastique ; don Nicolas Antonio en a si scrupuleusement