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MOUVEMENT INTELLECTUEL DE L’ESPAGNE.

liberté politique : les cortès l’inscrivirent en tête de leur charte, et ce fut assez pour embraser l’Espagne de ce patriotisme qui dès-lors ne s’est plus éteint.

Pourquoi donc M. Pacheco, qui a si bien défini les mobiles des cortès de Cadix, accuse-t-il ces cortès d’avoir aveuglément cédé à l’entraînement révolutionnaire ? En ceci, M. Pacheco n’a point fait preuve de l’impartialité rigoureuse que nous nous complaisions tout à l’heure à louer dans le jeune historien. Nous ne songeons pas le moins du monde à prendre la défense de la constitution de 1812 : les cortès de Cadix eurent le tort grave de proclamer d’une façon trop absolue le dogme de la souveraineté nationale, principe abstrait que l’on ne formule jamais sans péril chez les peuples qui n’ont point encore contracté les mœurs politiques par lesquelles il vit et prospère. À cela près, qu’on nous montre en Espagne une autre assemblée qui ait donné des preuves plus réelles de modération et d’habileté ? Qui a mis dans tout son jour les vices de l’ancienne législation des douze royaumes ? Qui a consacré pour la première fois dans la Péninsule, par une loi positive, la sûreté individuelle, l’indépendance des juges, l’entière liberté de la défense, la publicité des débats judiciaires et législatifs ? Les seuls efforts sérieux qui jusqu’à ces derniers temps se soient faits pour réorganiser l’administration, pour régler le mode des impôts, pour éteindre la dette publique, ne sont-ce pas encore les cortès de Cadix qui les ont accomplis, en dépit de la guerre civile, du défaut absolu de connaissances statistiques, et de l’épuisement des populations.

C’est pour décrire le régime de réactions et de hontes qui, en 1823, pesa si durement sur la Péninsule, que M. Pacheco a réservé ses couleurs les plus vigoureuses. Ici encore pourtant M. Pacheco, nous devons le dire, ne s’est point renfermé dans les termes d’une stricte impartialité. Qu’il flétrisse Ferdinand VII et ses familiers, rien de mieux assurément ; mais que dans la même réprobation il comprenne tous ses ministres, don Luis Ballesteros excepté, voilà où commence l’injustice. Dans cette période lugubre qui embrasse les dix dernières années de Ferdinand VII, est-il donc impossible de trouver un autre homme, un seul, qui ait bien mérité de son pays ? Et par exemple l’illustre don Martin Garay, qui a tant fait pour l’agriculture et à qui l’on doit le canal de Castille, n’était-il point digne que M. Pacheco se fût, au nom de l’Espagne, montré envers lui un peu plus reconnaissant ? Du règne de Ferdinand VII, M. Pacheco aurait dû faire deux parts bien distinctes : d’un côté, les réactions et les crimes politiques, de l’autre les réformes et les améliorations, sinon réalisées, du moins entreprises, dans les finances et dans quelques branches de l’administration.

Les travaux historiques de MM. Moron, Pacheco, Tapia, ne sont pas les seuls dont le public se soit vivement ému en Espagne. La presse de Madrid s’entretient beaucoup en ce moment de l’Historia de los reyes católicos, que vient de publier M. le marquis de Miraflorès, ancien ambassadeur d’Espagne à Paris. Pour notre compte, nous acceptons ce livre comme une promesse,