Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vœux pour leurs frères les rois chrétiens. Ce n’est qu’au pied des autels qu’ils laissent échapper cette protestation à la fois si simple et si énergique contre leurs oppresseurs ! » Encore une fois, la présence d’un prélat anglican en Terre-Sainte ne peut avoir qu’un but politique. Nous ne sommes pas assez égoïstes pour désirer que la France conservât ce droit glorieux, si les chrétiens d’Orient la déclaraient incapable de les protéger contre la tyrannie des Turcs ; mais à mesure que la Turquie décline, la situation de nos coreligionnaires tend à devenir moins précaire. Comment se fait-il qu’une nation si long-temps indifférente au sort de ceux que la conquête a livrés aux musulmans vienne tout à coup s’intéresser à leur situation ? Pour en comprendre le motif, il suffit de voir ce qui s’est passé à Jérusalem même, quelle y est la position de notre consul. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que, du fond de leur île et du milieu de l’Hindostan, les Anglais poussent deux mines qui doivent finir par se rencontrer ; tout ce qui se fait en Orient sous un prétexte quelconque a pour but, de la part de la nation britannique, d’écarter toute influence étrangère en feignant de s’asseoir côte à côte auprès d’une puissance alliée, et de s’assurer la possession de tout le pays que borderait l’empire russe du côté de l’Asie, s’il arrivait un jour à ce degré de splendeur que l’avenir, nous l’espérons, ne lui accordera jamais. Il n’est guère possible de se le dissimuler : c’est l’influence catholique de la France et de l’Autriche que l’Angleterre combat dans la Turquie d’Asie. Elle a senti que les chrétiens d’Orient sont intéressés à la destruction de la race conquérante, et veut se montrer à leurs yeux comme une nation capable de les soutenir sur tous les points où ils se trouvent répartis.

D’où vient que la France, malgré l’ancienneté de ses relations avec l’Orient, soit menacée d’y perdre sa prépondérance ? Sans doute elle n’a pas cessé de se montrer prête à défendre les intérêts des peuples qui réclament son appui ; mais les temps ont changé. Tandis qu’elle agissait avec désintéressement, qu’elle se bornait scrupuleusement à faire observer aux Turcs les clauses des capitulations, elle n’a pas paru comprendre qu’une nation rivale cherchait à la dépouiller de l’ascendant moral qu’elle exerce dans ces contrées. De là il est arrivé que nos consuls, gênés dans leurs mouvemens, empêchés tout à coup par des raisons imprévues, n’ont pu obtenir de promptes et éclatantes réparations. Leur position s’est trouvée modifiée au grand étonnement de ceux qui, pleins des souvenirs du passé, ne devinaient pas les causes de ces difficultés nouvelles. Le goût des voyages, cependant, s’est répandu en France d’une façon singulière ; par suite, les missions n’ont