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prenait pour rien les produits de l’Egypte, il pouvait y envoyer des céréales à meilleur marché que le riz même de l’Inde, dont la consommation diminuait ; ses mauvaises fabriques fournissaient certains tissus qu’il forçait de substituer aux cotonnades anglaises ; il établissait de plus forts droits de douane ; enfin il s’était réservé la moitié de la récolte du café, dont il réglait d’ailleurs le prix. Il faisait évidemment tort au commerce anglais, et c’est un grief que ne pardonne jamais le gouvernement britannique. Dans un pareil cas, le gouvernement n’a pas à intervenir lui-même, et l’administration de l’Inde, qui est indépendante, obtient aisément satisfaction sans son secours... » C’était donc surtout le négociant que les Anglais haïssaient dans Méhémet-Ali. Par les mêmes raisons politiques et commerciales, « l’Angleterre a insisté pour que la Mecque et Médine (on les nommait gravement les villes saintes !) fussent citées au pacha et remises au sultan, qui ne peut les gouverner. On a, par un traité, consacré l’anarchie dans la mer Rouge au profit de l’Angleterre. » Sous l’empereur Claude, un fermier des revenus publics au nom des Romains, dans ces mêmes parages (Pline le nomme Annius Plocamus), fut emporté vers la haute mer, et alla aborder à un port de la côte de Malabar ; de nos jours, des navires partis de cette côte, alors ignorée, viennent aux bords de l’Arabie reprendre les allures du peuple-roi. Les steamers anglais, pendant les deux tiers de l’année, sillonnent la mer Rouge deux fois par mois ; Bombay n’est plus qu’à sept ou huit jours du détroit de Bab-el-Mandeb. De si fréquentes relations permettent à l’Angleterre de se tenir au courant de tout ce qui se passe dans ces parages, et de se présenter comme l’alliée naturelle des mécontens, des rebelles, des ambitieux, qui dans ces contrées s’enferment entre les quatre murs d’une ville et s’y proclament indépendans.

La nécessité de réprimer la piraterie a été un prétexte, d’ailleurs fort raisonnable, de s’immiscer dans les affaires de tous les petits états du littoral de la mer d’Oman ; les Arabes ne se montraient pas moins ardens à piller les navires que les caravanes. A leurs yeux, les matelots hindous sont des païens, les navigateurs européens des infidèles, les marins persans des schismatiques ; cela une fois établi, les Arabes faisaient la course avec leurs lourdes barques armées de deux canons. Ceux de Makalla, contraints de renoncer à leurs habitudes vagabondes, ont