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est en effet sa valeur, lorsqu’il s’exerce sur des faits consommés, et qu’il ne reste plus d’autre alternative qu’une aveugle approbation des dépenses ou la mise en accusation du cabinet qui les a ordonnancées ? D’ailleurs, pour couvrir ces excédans de dépenses non comprises dans les prévisions budgétaires, il faut user d’expédiens toujours dangereux, et qui, à un jour donné, pourraient devenir déplorables ; il faut grandir démesurément la dette flottante, élargir les découverts du trésor, au risque d’atteindre ainsi le crédit à ses sources même.

Il résulte des calculs de la commission qu’au moment du vote du budget de 1843, un excédant de dépenses de 37 millions avait été prévu. Les modifications que ce budget a subies dans ses divers chapitres ont porté sur une somme de plus de 50 millions, et ces mouvemens se résument, compensation faite des annulations et des augmentations, en un accroissement de charges d’environ 33 millions. Tous les départemens ministériels se sont trouvés dans le cas de recourir à la voie des crédits supplémentaires ou extraordinaires. La plupart de ces allocations, justifiées par des nécessités de service, seront d’une régularisation facile : des difficultés sérieuses ne paraissent devoir s’élever que sur les dépenses ordonnancées par les ministères de la marine et des affaires étrangères.

Le budget de la marine pour 1843 avait été voté sur la base de 164 bâtimens, dont 140 armés ; mais les besoins du service ont constamment contraint le ministère de la marine à dépasser ce nombre, que la chambre n’avait consenti à réduire à ces étroites limites que sur l’insistance du cabinet, ainsi qu’on doit se le rappeler. En entrant au département de la marine, M. le baron de Mackau estima qu’une telle situation n’était pas acceptable, et il évalua à 5,600,000 francs l’excédant de dépenses qui devait résulter, pour l’exercice 1844, d’un surcroît d’armement particulièrement applicable à la station des mers de Chine ; mais, sur cette somme, le ministre n’a porté que celle de 1,792,100 francs aux crédits extraordinaires de 1843, en annonçant, dans un rapport au roi du mois de septembre dernier, l’intention d’en attribuer le surplus à l’exercice courant.

La commission n’a pas contesté la nécessité politique de cet excédant de dépenses ; quelque considérable qu’il soit, on peut affirmer que la chambre ne la contestera pas davantage. Sa sollicitude pour les développemens de notre marine en est une sûre garantie ; seulement l’on s’est étonné, et la chambre s’associera à cet étonnement, de la marche suivie pour la fixation de ces crédits. La commission ne s’est pas expliquée pourquoi le département de la marine n’est pas venu, sitôt après l’ouverture de la session, exposer aux chambres l’ensemble de la situation, et réclamer la régularisation immédiate des dépenses déjà faites sous la responsabilité ministérielle. Cette appréciation ne saurait désormais qu’être fort incomplète, puisqu’on a cru devoir procéder par morcellement à des justifications de crédits disséminés dans des lois présentées à des époques diverses, quoique appartenant en fait au même exercice.