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impartialité élevée. De nombreuses conjectures ont été faites à ce propos : sans méconnaître ce qu’elles peuvent avoir de fondé, nous croyons qu’il suffit, pour expliquer cette intervention inattendue, de l’importance même des intérêts engagés. Le triomphe du droit commun, dans le débat soulevé par l’art. 17, n’est guère douteux, et les partisans éclairés de l’enseignement ecclésiastique ne défendront pas eux-mêmes un privilège qui serait l’occasion légitime des plus amères récriminations. A la chambre des députés, le rejet de l’amendement proposé par M. Vatout a assuré l’adoption de la loi sur les prisons ; mais il est manifeste, à en juger par les sentimens de la majorité, que, si celle-ci se refuse à faire avorter au scrutin une œuvre qui l’a occupée trois semaines, c’est avec la certitude que cette loi ne sortira pas de bien long-temps du domaine de la théorie. Jamais les esprits n’ont été moins fixés sur les faits, jamais les résultats du système pensylvanien n’ont paru plus problématiques. Le débat entre M. Léon de Maleville et l’honorable rapporteur a pris un moment un caractère de vivacité qu’on a cru devoir expliquer par des préoccupations politiques. On a affecté de voir dans la spirituelle agression de M. de Maleville une attaque du 1er  mars contre la fraction de la gauche qui repousse l’influence et la direction de l’illustre chef de ce cabinet. Nous croyons que c’est là prêter à l’orateur des intentions qu’il n’avait pas, et nous tenons la question de l’emprisonnement pour assez grave par elle-même pour provoquer des luttes passionnées qu’il ne convient pas de rabaisser jusqu’au niveau de manœuvres stratégiques.

Le prochain débat sur les crédits supplémentaires est le seul qui ait la puissance de préoccuper encore les esprits. On croit généralement qu’il amènera des incidens curieux et une reprise de la question de Taïti. La loi régulatrice de ces sortes de crédits tend à devenir de plus en plus le budget politique des sessions législatives. Cela résulte de la nature même des dépenses arrêtées dans le budget normal, dépenses presque toutes obligatoires par leur nature même, et de l’époque avancée où s’engage d’ordinaire la discussion du budget. Si ce mode de procéder offre des avantages réels, en ce qu’il laisse aux deux chambres une plus grande liberté dans l’appréciation des grands intérêts du pays et des incidens de la politique générale, il faut bien reconnaître aussi qu’il présente des inconvéniens financiers d’une nature fort sérieuse. La commission dont M. Félix Real est l’organe, toute dévouée qu’elle soit au cabinet, a cru devoir appeler sur l’extension abusive des crédits supplémentaires l’attention de la chambre et du pays.

Selon l’observation judicieuse du rapporteur, le budget doit être, autant que possible, l’expression vraie des besoins des services, de telle sorte qu’une fois ce budget voté, tous les soins de l’administration tendent à maintenir les dépenses dans la limite des crédits accordés. Hors de ce principe, la comptabilité financière est bouleversée, et le droit principal de la législature, celui par lequel elle est plus étroitement associée à l’action du gouvernement, le droit souverain de consentir l’impôt, est illusoire dans son exercice. Quelle