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Ce n’est pas tout ; pour se faire une idée de la force réelle de cette flotte à vapeur, il faut avoir vu de près tout ce que son armement a de redoutable, il faut avoir vu le soin et l’habile prévoyance avec lesquels tout y a été étudié. Les steamers de guerre anglais n’ont pas été construits et garantis bons pour tous les services indistinctement. Dans leur construction, on n’a eu qu’une idée, un but : la guerre. Ils réunissent, avec une entente merveilleuse des choses de la mer, grande vitesse, puissante artillerie, et vaste emplacement pour des troupes passagères.

Oui, cet armement est formidable ; oui, ce soin exclusif que met l’Angleterre à accroître et à perfectionner cette branche de son service maritime est un avertissement que nous ne devons pas négliger, sous peine de voir un jour en péril tout ce qu’il y a de plus cher à un peuple, l’intégrité de notre territoire, et notre honneur national.

Or, je le répète, il y a pour nous un moyen bien simple d’écarter ce péril et de rendre les chances de la lutte moins inégales, si jamais elles venaient à se présenter : c’est de nous armer comme on s’arme contre nous, c’est de donner à notre marine à vapeur, qui languit encore dans l’incertitude des expériences, une puissante impulsion et un large développement. Avec les ressources que cette marine ainsi perfectionnée nous fournira pour l’attaque et pour la défense, la France pourra légitimement se reposer dans le sentiment de sa force. Mais, il faut bien que je le dise, en cela comme en toute chose, pour faire le bien, il est nécessaire de s’en occuper, et de s’en occuper sérieusement.

Notre marine à vapeur date de 1829 ; l’expédition d’Alger fut le théâtre de ses premiers essais. On fut frappé alors des avantages qu’il était possible d’en retirer, et l’on s’empressa de jeter dans le même moule un assez grand nombre de navires semblables à ceux qui avaient servi dans cette expédition. Cependant telle était l’importance tous les jours croissante du service d’Alger, que ces navires à peine construits devaient aussitôt s’y approprier, et que sans cesse requis d’urgence, et souvent même forcés de marcher sans que leurs réparations fussent terminées, ils ne pouvaient fournir la matière d’aucun essai fructueux, d’aucune amélioration. Ce qui leur manquait surtout, c’était d’être employés dans les stations où ils auraient pu être mis en comparaison avec les navires étrangers. Cet inconvénient, joint aux préventions exclusivement régnantes en faveur de la marine à voiles, fit que de 1830 à 1840 les progrès de notre flotte à vapeur furent nuls. Cependant la science avait marché. La marine royale d’Angleterre,