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il est sans cesse revenu à l’attaque ; les gouvernemens ont épuisé toutes les ressources pour l’étouffer ; ils ont falsifié jusqu’aux institutions sociales pour prévenir ses tentatives : le tout n’a abouti qu’à déconsidérer les pouvoirs établis et à les mettre en hostilité avec les peuples. Les persécutions ont intimidé pour le moment ; aujourd’hui on admire les martyrs. Les débris du parti napoléonien, l’immense majorité de la bourgeoisie, toute la jeunesse, les fonctionnaires même les plus éclairés, une certaine partie de l’aristocratie, tous les hommes intelligens, dispersés, froissés, à qui les gouvernemens ferment impitoyablement toutes les carrières, viennent chaque jour grossir ce parti qui n’attend qu’une occasion pour éclater. S’il triomphait à Naples ou en Piémont, sa propagande serait irrésistible. Le parti libéral a ses exaltés : ce sont les républicains ; mais cette fraction qui veut devancer le reste du parti s’égare par trop de précipitation. La révolution de 1830 avait multiplié les républicains comme par miracle. M. Mazzini de Gênes les dirigeait officiellement. D’abord il agita vivement l’opinion publique par le journal de la Jeune Italie ; plus tard il rêva des révoltes impossibles, il voulut agir trop tôt, au milieu d’obstacles insurmontables, et l’expédition de Savoie vint détruire le prestige attaché à M. Mazzini et aux républicains.

Le parti absolutiste est le second en force. Le Piémont, Naples et la Toscane sont peut-être les seuls états où le peuple conserve un peu d’enthousiasme pour les dynasties régnantes. Cependant, si l’affection pour les princes s’est affaiblie, il y a partout des droits de naissance, des ambitions personnelles, des intérêts positifs ; partout aussi il y a chez les masses un penchant à l’indolence et chez les riches une vague terreur pour les suites des révolutions. L’habitude et la force passive du statu quo concourent avec ces causes diverses pour faire tourner bien des chances en faveur des gouvernemens établis. L’absolutisme est odieux, personne n’ose en faire l’apologie, et, sans le secours de l’Autriche, il ne pourrait se soutenir ; cependant l’immobilité des gouvernemens absolus leur donne un faux air de stabilité, et cela suffit pour faire, sinon accepter, du moins subir une situation qu’il paraît difficile de changer.

Nous devons compter encore un parti gibelin ou tout au moins une force autrichienne. N’oublions pas que la Lombardie au XVIe siècle accepta la domination espagnole sans trop de répugnance : au commencement du XVIIIe siècle, l’Espagne se laissa remplacer par l’Autriche sans être ni repoussée ni regrettée ; la Lombardie complètement ruinée avait perdu jusqu’au sentiment de ses malheurs et de