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DE LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALE.

tracté. Au reste, l’abbé piémontais est fort en colère contre ses compatriotes ; les ingrats n’apprécient pas son génie, encore moins ses délations pieuses, ses éloges de Charles-Albert, et son apologie de la cour de Rome.

Laissons là M. Gioberti pour revenir au philosophe qui est l’objet de ses attaques. Également attaché à la religion et à la philosophie, aujourd’hui M. Rosmini soulève la double répugnance du parti ultra-catholique et du parti libéral. S’arrêtera-t-il dans cette position ? Jusqu’à présent son influence a tenu à une équivoque ; les croyans ne se sont pas trop enquis de sa philosophie, les philosophes n’ont pas fait attention à sa théologie ; il semble qu’aujourd’hui les premiers s’alarment et les seconds se fatiguent de se voir sans cesse attaqués. On ne peut pas deviner l’avenir d’un homme, mais on est saisi d’une profonde tristesse en voyant cette haute intelligence, unissant aux préjugés d’un autre temps les vertus d’une autre époque, s’acharner contre la liberté au nom de la liberté, combattre ceux qui profitent réellement de sa science, s’obstiner à n’avoir d’autre public qu’une classe de personnes complètement étrangère à ses idées. À l’heure qu’il est, M. Rosmini, l’un des plus hardis combattans du parti ultra-catholique de la Haute-Italie, se trouve dépassé par son propre parti ; suspect à l’Autriche, qui se défie de ses fondations religieuses, en butte aux intrigues des jésuites, qui l’accusent d’hérésie, il tend à s’isoler dans sa secte, qui forme une fraction de ce qu’on pourrait appeler le parti guelfe italien. Un simple aperçu de la situation politique de l’Italie montrera toute l’inconsistance de ce parti ; ses utopies religieuses et son égoïsme s’allient aujourd’hui pour lutter une dernière fois contre l’organisation de l’état moderne au-delà des Alpes.

IV.

Abstraction faite des rivalités locales, on pourrait compter quatre partis en Italie : les libéraux, les absolutistes, les gibelins et les guelfes, si on me permet de me servir de ces deux mots pour désigner les partisans de l’Autriche et du pape. Le plus nombreux est le parti libéral ; les trois autres ne peuvent le combattre avec avantage qu’en se réunissant. Complètement exclu des affaires, le parti libéral n’en fait pas moins sentir son influence dans tous les actes de la politique italienne. Depuis l’époque où il fut constitué par la révolution française,