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quillité de conscience, des résultats bien ou mal acquis, et les actes même le plus énergiquement, le plus universellement réprouvés par la conscience publique, ne sont jamais désavoués[1].

C’est précisément ce qui est arrivé pour les évènemens du Scinde, soumis cette année, au mois de février, à l’appréciation de la chambre des communes. Lord Ashley, l’avocat sincère et dévoué de toutes les infortunes, a défendu avec chaleur la cause des malheureux émirs dépouillés et emprisonnés par sir Charles Napier : il a tracé un tableau plein de franchise, et coloré par une honnête indignation, des procédés de la politique anglaise à l’égard des émirs. Il a rappelé que les émirs avaient toujours témoigné aux Anglais, avant l’expédition de Caboul, l’hospitalité la plus généreuse et la plus cordiale, hospitalité qu’avait éprouvée pour son compte l’illustre et infortuné Alexandre Burnes. Il a montré le gouvernement britannique liant des relations avec le Scinde et y établissant son protectorat, — sans y être provoqué par aucun procédé hostile des émirs, sans avoir aucun tort à leur reprocher, — seulement en vue d’un des intérêts impérieux de sa politique : s’engageant formellement à rendre les places fortes qu’il s’était fait ouvrir, aussitôt l’expédition de l’Afghanistan terminée ; puis, à la fin de cette guerre, méditant d’éluder sa promesse. « Après la conduite pleine de confiance des émirs, disait lord Ashley, et après des secours si grands et si indispensables prêtés par eux à l’empire britannique, je crois être témoin de leur effroi, de leur terreur, de leur dégoût, lorsqu’ils virent arriver cette grandis et verbosa epistola : « Le gouverneur-général (lord Ellenborough écrivant au major Outram) me charge de vous informer qu’il compte continuer l’occupation de Kourachi ; le gouverneur-général se propose aussi de con-

  1. Il ne faudrait pas prendre pour un désaveu politique le rappel de lord Ellenborough, que sir Robert Peel a annoncé à la chambre des communes dans la séance de vendredi dernier. Le Scinde ne sera pas rendu aux émirs ; les canons des Mahrattes ne leur seront pas restitués. D’ailleurs ce n’est pas le ministère qui rappelle lord Ellenborough ; sa destitution a été prononcée, malgré le cabinet, par les directeurs de la compagnie. La charte de la compagnie des Indes donne, en effet, aux directeurs le droit de révoquer les gouverneurs-généraux. C’est la première fois de ce siècle que ce droit est exercé. Les griefs de la compagnie contre lord Ellenborough ne portent pas sur les actes politiques que nous discutons ici, puisqu’au contraire elle les a solennellement approuvés par des témoignages de gratitude votés à sir Charles Napier et à l’armée du Scinde. Lord Ellenborough a mécontenté la compagnie par son administration intérieure, qui paraît avoir soulevé contre lui tous les fonctionnaires de l’Inde. On dit que son rappel a été décidé au reçu d’une dépêche où il répondait sur le ton d’un altier dédain aux représentations des directeurs.