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CONQUÊTE DU SCINDE. — GUERRE CONTRE LE GWALIOR.

considérées comme des calamités beaucoup plus grandes que le paiement d’un tribut, que l’article relatif à la coupe des bois sur les bords de l’Indus atteignait les réserves de chasse de plusieurs émirs, lesquelles, comme ils le disaient eux-mêmes au négociateur du traité de 1839, sir Henry Pottinger, « leur étaient plus chères que leurs femmes et leurs enfans ; » il faut considérer enfin qu’enlever aux émirs le droit de battre monnaie, c’était ravir à cette famille de princes la dernière marque de leur souveraineté chérie. Et ces dures conditions, pour quel motif se croyait-on autorisé à les leur faire subir ? Parce qu’on leur reprochait d’avoir violé un traité antérieur qu’on leur avait imposé à la pointe de la baïonnette sans que l’on eût contre eux le moindre grief, et seulement pour les nécessités d’une politique qui ne les regardait en aucune manière, un traité d’ailleurs dont ils pouvaient reprocher avec bien plus de raison la violation à ce gouverneur-général qui, avant la fin de la guerre de l’Afghanistan, avait déjà résolu de ne pas se dessaisir des forteresses qu’on avait confiées à l’Angleterre sur la promesse formelle qu’elles seraient rendues après les hostilités.

Lors même que le premier traité conclu avec le Scinde n’eût pas eu d’autre cause et d’autre justification que l’expédition de Caboul ; lors même que lord Ellenborough, en censurant, dans la proclamation qui a inauguré son gouvernement, la politique de cette expédition, n’eût pas implicitement blâmé ce traité avec le Scinde qui n’en était que la conséquence ; lors même qu’il n’y aurait rien de choquant à voir un homme d’état se montrer si sévère pour des infractions sans résultat commises contre un traité dont il avait lui-même condamné l’unique cause comme une folie ; quand même, en un mot, la justice la plus stricte n’aurait pas commandé à lord Ellenborough quelque indulgence à l’égard des émirs du Scinde, voyons encore quels sont les griefs qui paraissent suffisans à un gouverneur anglais pour aggraver un protectorat ou le transformer au besoin en une prise de possession définitive.

Nous ne dépouillerons pas ici la longue et fastidieuse liste des griefs consignés dans le return of complaints : la plupart des plaintes des Anglais portent sur des infractions relatives à l’article du traité qui affranchissait de tout droit le commerce par l’Indus. Plusieurs de ces plaintes sont singulières : par exemple, on reproche à un émir de Khyrpore les mauvais traitemens qu’un de ses agens a fait subir au domestique d’un officier anglais, et, si l’on cherche les détails de ce fait, on apprend que ce domestique était un ancien serviteur de l’émir, accusé d’avoir soustrait 1,500 roupies, et que les mauvais trai-