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rait pouvoir déclarer coupables les deux d’entre eux auxquels les lettres de trahison étaient attribuées. Le général, voyant peser sur lui la responsabilité d’une décision aussi grave, hésita un instant. Il eut besoin d’être pressé de nouveau par lord Ellenborough. « Maintenant que vos forces sont rassemblées, lui écrivait celui-ci, je pense que vous ne devez plus mettre de délai à communiquer aux émirs la décision du gouvernement britannique au sujet de la révision de nos engagemens avec eux. » Sir Charles Napier ne différa plus en effet. Il fit traduire les traités révisés que lui avait envoyés le gouverneur-général, et au commencement de décembre 1842, de son quartier-général de Sukkur, il en envoya des copies à Khyrpore et à Hyderabad. Pendant ce temps, les chefs, émus des bruits qui leur annonçaient que de nouvelles exigences allaient peser sur eux, et alarmés des rassemblemens de troupes qui s’opéraient à Sukkur, commençaient à faire des préparatifs de défense ; ils envoyaient leurs familles dans le désert, approvisionnaient leurs forteresses, et appelaient autour de leurs drapeaux leurs feudataires beloutchis.

Disons tout de suite quelles étaient les conditions des traités revisés dont on offrait l’acceptation à ces malheureux émirs dans une alternative dont la dépossession complète était l’autre terme. Nous parlerons ensuite des griefs sur lesquels s’appuyait cette violence. Nous avons déjà dit que le traité de 1839 avait rompu la confédération des émirs ; il y avait été stipulé que l’Angleterre ne traiterait désormais qu’avec chaque émir individuellement, que chaque chef serait personnellement responsable de ses engagemens et de ses actes, que la famille des Talpours ne serait plus considérée comme formant une seule puissance, que toute solidarité politique serait donc brisée entre ses membres. Or, la première chose qui frappe dans les traités revisés, c’est la violation flagrante de cette stipulation expresse : les émirs sont enveloppés dans la même solidarité ; les innocens y paient les fautes de ceux que l’on déclare coupables, tout comme si le traité de 1839 n’avait pas détruit la responsabilité commune. D’après les traités revisés, la monnaie anglaise devait devenir la monnaie de cours du Scinde ; les Anglais pourraient couper du bois sur les bords de l’Indus pour le combustible nécessaire à leurs bateaux à vapeur, si les émirs ne leur en fournissaient pas les quantités requises ; les forteresses de Kourachi et Tatta dans le Scinde méridional, de Bukkur, Sukkur et Rori dans le Scinde du nord, chacune avec un arrondissement, étaient cédées à perpétuité aux Anglais. Pour comprendre la sévérité de ces conditions, il faut se souvenir qu’en Orient les cessions de territoire sont