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LES THÉÂTRES.

Cet éclat, déjà affaibli sous la restauration, s’est éteint depuis 1830. La liste civile se réserve encore plusieurs loges en déduction du loyer de la salle dont elle est propriétaire, et plusieurs fois elle a fait généreusement des remises sur les termes de ce loyer ; mais le haut patronage qu’on a enlevé aux théâtres royaux, en les détachant de la liste civile, est loin d’être remplacé par la gestion du ministère de l’intérieur. Le ministre, absorbé par d’autres soins, détourné par les préoccupations de la politique, subjugué par les influences parlementaires, ne peut consacrer aux théâtres la vigilance de tous les instans qu’ils réclament.

Pour les théâtres secondaires, comme pour ceux des départemens, le gouvernement est souvent appelé à choisir des directeurs. Si nous en croyons des renseignemens dignes de foi, ces choix jusqu’ici n’ont pas été fort heureux : ils n’ont pas toujours porté sur les hommes les plus irréprochables, sur ceux que leurs ressources mettaient le plus en état de subvenir aux obligations qu’ils contractaient. On a vu un directeur acheter un privilége un million et demi, et, à défaut de capitaux, le payer en billets de spectacle, qui, vendus à moitié prix, devaient le priver pour long-temps de bénéfices, combinaison qui rendait sa ruine inévitable. La commission des auteurs dramatiques est à même de faire à cet égard de curieuses révélations : les documens divers qu’elle a recueillis éclaireraient d’un triste jour l’histoire financière du théâtre.

Le premier devoir de l’administration est de ne point imposer aux entreprises des charges inutiles. Il y aurait peu de dignité de la part des fonctionnaires publics, à s’armer de leurs titres pour obtenir des entrées gratuites, lorsque cette faveur n’est pas légitimée par les nécessités du service. L’ancienne aristocratie se faisait un point d’honneur de soutenir les théâtres. Ceux qui possèdent aujourd’hui l’influence en vertu du régime constitutionnel s’exposeront-ils plus long-temps à une comparaison fâcheuse ? Les petits spectacles, à qui tous les moyens de succès sont bons, ont une subvention assurée dans la bourse de tous ceux dont les instincts et le goût sont vulgaires. Que restera-t-il aux théâtres qui ont pour mission de conserver les traditions et les convenances de la bonne société, si le gouvernement ne s’applique pas à leur ménager l’utile patronage des classes supérieures ?

Nous nous sommes montré favorable au principe de la censure, sans admettre que le gouvernement ait accompli sa tâche quand les ciseaux de ses examinateurs ont mutilé les pièces soumises à son examen. La censure est purement négative ; elle prévient la violation de l’ordre ou