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représentans ; elle interdit toute espèce d’associations. De pareilles restrictions sembleraient mieux combinées pour nuire aux entreprises que pour y appeler les capitaux ; elles accusent plus d’esprit de tracasserie que d’élévation dans les vues.

La loi de septembre 1835, comme le décret de 1806, a établi la censure en même temps que le régime des priviléges. Elle le pouvait sans porter atteinte aux principes de la constitution. La charte de 1830, en interdisant pour toujours le rétablissement de la censure, n’a point eu en vue les représentations dramatiques ; il ne faut pas, comme le disait un arrêté du directoire exécutif du 25 pluviôse an IV, « confondre la liberté de la presse, si religieusement et si justement consacrée par la constitution, avec le droit, essentiellement réservé à l’autorité civile, de disposer d’un établissement public pour l’influencer, par le prestige de la déclamation et des arts, une grande masse de citoyens, et y répandre avec sécurité le poison des maximes les plus dangereuses. » Un régime purement répressif serait dépourvu d’efficacité ; il serait même, on peut le dire, injuste autant que périlleux, car il conduirait le pouvoir à la fâcheuse nécessité de sévir non-seulement contre l’auteur, mais contre des spectateurs excités au désordre par les provocations de la scène. Et d’ailleurs la difficulté pour des corps judiciaires de se livrer à des appréciations complexes et arbitraires ne serait-elle pas une cause fréquente d’impunité ? Comment protéger, contre des allusions perfides, les principes de nos institutions, le caractère des hommes publics ? Comment atteindre ces ouvrages dangereux où la perversité des doctrines se cache sous la politesse du langage ? Peut-on frapper d’un châtiment légal de simples inconvenances, qui sont indécentes plus qu’immorales, grossières plus que corruptrices, railleuses plus qu’impies ?

Ces impossibilités sont si manifestes, que jamais, malgré les lois qui proclamaient la plus absolue liberté, les représentations dramatiques n’ont échappé à la surveillance du pouvoir. À défaut du gouvernement, les factions ont exercé une redoutable censure. Le 31 août 1792, l’assemblée législative, tout en consacrant de nouveau la liberté des représentations, déclarait qu’elle « n’entendait rien préjuger sur les décrets ou règlemens de police qu’elle pourrait donner dans le code de l’instruction publique, sous le rapport de l’influence des théâtres sur les mœurs et les beaux-arts. » Pendant la tourmente révolutionnaire, la convention improuvait l’arrêté de la commune de Paris qui défendait l’Ami des Lois, mais en annonçant que « tout théâtre sur lequel seraient représentées des pièces tendant à dépraver l’esprit