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Jusqu’au bill de 1843, les priviléges accordés aux entreprises les assujettissaient à un genre déterminé d’ouvrages. Les grands théâtres étaient seuls autorisés à jouer la tragédie, la comédie, et toute espèce de pièce comprise sous la catégorie de drame légitime, dénomination plus littéraire que légale. Les théâtres secondaires (minor theatres) étaient consacrés à l’opéra-comique ou au vaudeville (burlettas) et aux ballets ; mais ces divers genres, soit insuffisance des règlemens, soit impossibilité d’une désignation précise, se confondaient et étaient mal distingués. L’enquête de 1832 chercha à obtenir des définitions exactes, et ne recueillit que des explications vagues et contradictoires. Un témoin n’appelle drame légitime que les œuvres de Shakspeare, d’Otway, de Rowe, de Sheridan, de Colman et des autres auteurs classiques. Un autre, ne considérant que le théâtre même où les pièces étaient représentées, définit le drame légitime « tout ouvrage joué à Drury-Lane ou à Covent-Garden ; » d’autres, « toute œuvre dramatique dans laquelle n’entre ni musique ni chant ; » quelques-uns pensent qu’une pièce où le chant serait introduit n’en appartiendrait pas moins au drame légitime, pourvu que rien n’y outrageât la nature. Un témoin mieux inspiré, Payne Collier, entend par drame légitime « tout ouvrage qui a un bon dialogue, de bons caractères et une bonne moralité. » La signification du mot burletta n’est pas moins vague. La plupart des gens du métier s’accordent néanmoins à le définir « une petite pièce mêlée de danses et de chants. » La confusion des genres était encore augmentée par les habitudes du public anglais. Les premiers théâtres jouent toujours, après la tragédie ou la comédie, des pantomimes ou des farces qui tranchent grossièrement avec les grands ouvrages de leur répertoire, et cependant l’abus des mots a été porté au point de qualifier les pièces de ce genre, représentées sur les grands théâtres, du nom de farces légitimes.

Le nouveau bill ne contient aucune disposition relative à la désignation des genres, mais il confère au lord-chambellan des pouvoirs si étendus, que les nouvelles autorisations pourront encore établir des prescriptions spéciales sur ce point. L’enquête de 1832 a révélé les prétentions des théâtres patentés, qui se disaient seuls autorisés à jouer le répertoire des grands écrivains dramatiques : ces prétentions avaient été défendues dans la chambre des lords, et, comme elles se fondent sur la possession, toujours si puissante dans les habitudes de l’Angleterre, elles seront certainement prises en très grande considération.

Le droit d’ouvrir un théâtre en Angleterre est, comme on vient de le voir, subordonné à une permission de l’autorité publique, et cette